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Burkina : IUTS, Covid19… les leçons de Claude Wetta au gouvernement

Claude Wetta, économiste et secrétaire général adjoint du Réseau burkinabè de lutte anti-corruption (REN-LAC) a dans une tribune, montré que l’application de l’impôt unique sur les traitements et salaires aux primes et indemnités des salariés a été une erreur de la part du gouvernement. Selon lui, les arguments « financiers sur lesquels les ministres, la Direction Générale des Impôts (DGI) se basent pour donner quitus au gouvernement, sont faibles pour traiter de la question de l’extension de l’IUTS sur les primes et indemnités aux fonctionnaires du public. Il aurait fallu y adjoindre des arguments économiques, politiques, etc. » Par ailleurs, le gouvernement devrait selon lui utiliser de meilleurs outils de prévision et de relance économiques au vu de la portée de l’impact du covid 19.

De prime abord, selon Claude Wetta, les bases qui ont prévalu à cette extension de l’IUTS, n’ont pas été bien fondées. Le gouvernement actuel se base entre autre sur le fait que cet impôt existe depuis le général Marc Garango. Sauf sous le régime de ce dernier, « ce programme a tenté de mettre de la méthode dans sa façon d’appliquer les ajustements conjoncturel et structurel ». Il s’agit notamment de :

  • Le temps de la réflexion du gouvernement (une semaine au cours du mois de février 1966),
  • Le temps de la réduction du train de vie de l’Etat, de la réduction des dépenses improductives et de l’adoption d’un dispositif de contrôle budgétaire (inscrit dans les 10 derniers mois de l’année 1966),
  • Le temps de la discussion avec les travailleurs, une fois les paramètres économiques connus et maîtrisés (5 ans : 1966-1970),
  • Le temps de la survenue de nouvelles mesures de 1967 à 1970 et notamment l’application de l’IUTS au cours de la gestion du budget de 1971.

Selon Claude Wetta, « si le gouvernement actuel n’est pas crédible c’est en raison de sa démarche qui est aux antipodes de celle gouvernement militaire qui est venu suite au soulèvement populaire. Mieux, toutes les tentatives de restreindre le train de vie de l’Etat ont échoué. Quid de l’application de l’extension de l’IUTS aux primes et indemnités aux fonctionnaires du public ? Ici nous retenons trois (3) étapes :

  • Le temps des propositions des syndicats sur la suppression de l’IUTS sur les primes et indemnités des fonctionnaires du privé en 2015,
  • Le temps de la discussion avec gouvernement, la mise en place d’une commission, le rétropédalage du gouvernement (2016),
  • Le temps de la survenue de la nouvelle mesure en 2017 mais non appliquée jusqu’en février 2020. »

Quid des avantages brandis par les pro IUTS ?

C’est le général Tiémoko Marc Garango, père de la Garangose et géniteur de l’IUTS qui affirme ceci : l’« IUTS présente tous les avantages et très peu d’inconvénients ». En effet, contrairement aux autres impôts :

  • il est prélevé par les employeurs (entreprises et l’Etat),
  • il est prélevé d’autorité à la source,
  • il est prélevé mensuellement,
  • Enfin, le prélèvement de l’IUTS ne coûte quasiment rien à l’Etat.

Ce sont ces énormes avantages qui ont poussé des cadres paresseux encouragés par des esprits retors à se précipiter sur l’extension de l’IUTS aux primes et indemnités des fonctionnaires du public. La question de l’équité constitue un attrape-nigog et un paravent fabriqué à la hâte pour distraire la galerie. Plutôt que de nous proposer un élargissement de l’assiette lié au contexte actuel du Burkina Faso qui a profondément changé, les experts de la DGI tricotent dans ce que nous connaissons déjà. En 1970, le budget a été estimé à 9, 757 milliards F CFA, le projet de loi de finances 2020 prévoit des dépenses de 2 552 milliards de francs CFA. En cinquante ans le budget de l’Etat burkinabè a été multiplié par 262. L’industrialisation commence au Burkina Faso précisément avec l’élaboration et l’exécution du Plan Cadre 1967-1970 : des projets y ont été étudiés et leur réalisation planifiée. Entre 1960 et 1967, le nombre d’entreprises industrielles est passé à 36 (20 pour Ouagadougou, 16 pour Bobo-Dioulasso).

Par ailleurs, les acteurs « comme ceux du secteur informel, les propriétaires de bâtiments en location (célibatérium, boutiques, magasins …), les sociétés minières, les sociétés de téléphonies n’existaient pas Le distinguo entre grandes entreprises, PME/PMI était à peine perceptible. Avec un peu plus d’imagination les cadres de la DGI auraient pu innover en inventant de nouveaux impôts « .

« N’oublions pas aussi que pendant longtemps, certains revenus importants tels les émoluments des députés échappaient à l’IUTS tandis que le revenu du salarié était imposé de la borne 0 franc à partir 2%  jusqu’à 30% pour les rémunérations salariales les plus élevées. Au Burkina Faso, contrairement aux salariés qui paient entièrement et régulièrement l’IUTS (un professeur d’université paie plus d’un million de francs CFA par an) de nombreuses autres personnes physiques et morales (sociétés) camouflent leurs revenus » rappelle Claude Wetta.

« A Ouagadougou les opérateurs économiques du secteur informel, de nombreux propriétaires de bâtiments en location (célibatérium, boutiques, magasins …), les propriétaires fonciers, les sociétés minières, les sociétés de téléphonies etc., paient soit un impôt dérisoire soit ne s’acquittent même pas de cette obligation. Alors que le gouvernement et ses griots arrêtent d’intoxiquer le peuple. Mieux, que ceux qui ne payent pas l’impôt arrêtent de crier aux imposteurs. En effet au 31 décembre 2016, les restes à recouvrer (RAR) que les entreprises doivent à l’Etat représentent plus 600 milliards dont plus de 500 milliards dus par les Grandes Entreprises (DGE). Dans le même temps, l’IUTS a été recouvré à plus 109% soit une augmentation de 12,6 milliards entre 2015 et 2016.

Enfin, que les analystes peu familiers aux études macroscopiques sachent que, la minimisation des salaires des travailleurs n’est pas de mise dans la vision macroéconomique pour une raison très simple : si on considère une économie fermée (simplification oblige), l’Etat ne saurait être en concurrence avec lui-même. Par contre les entreprises, sous cette hypothèse, entrent en concurrence les unes avec les autres et donc ont besoin de minimiser les coûts (salaires notamment) de leur unité pour être plus compétitives les unes que les autres. C’est pourquoi les entrepreneurs doivent accorder une attention particulière à la minimisation des salaires. Mais c’est aussi pourquoi les travailleurs ne sauraient être rendu responsables de la lutte de classe qui leur est imputée par la bourgeoisie et le système capitaliste.

Le pouvoir d’achat des travailleurs va- t- il chuter avec l’application de l’IUTS  sur les primes et indemnités des fonctionnaires du public ? Les protagonistes (syndicats comme le gouvernement) semblent d’accord sur la tendance baissière qui sera consécutive à cette application. Le débat porte sur l’ampleur de la baisse. Le gouvernement estime qu’une baisse insignifiante va s’opérer tandis que les syndicats montrent que le gouvernement vise deux objectifs. Un objectif à court terme : l’acceptabilité qui va se contenter, au départ d’une ponction minimum voire dérisoire. Mais derrière cet objectif à court terme gît réellement le lièvre, un objectif à moyen et long terme : la progressivité qui constitue le véritable objectif,  qui va permettre au gouvernement de se hisser à la hauteur de ses ambitions gloutonnes : ponctionner le maximum de ressources sur les maigres ressources des travailleurs ».

Avec le covid 19, les risques d’une crise économique sont forts. De nombreux pays ont annoncé des mesures de soutien à leur économie pour au moins maintenir.

« Pendant que beaucoup de gouvernement sont dans l’action au niveau économique (Niger, France, Venezuela, Etats-Unis, Belgique, etc.) nous sommes toujours en période de réflexion selon le ministre l’information et de la communication porte-parole du gouvernement. Heureusement que le 02 Avril le président du Faso annoncé des mesures. Mais allons-nous sortir de la vision sectorielle (ou méso économique) ? La lisibilité de la relance burkinabè reste encore floue. A priori cette relance semble plutôt vouloir ratisser large. Sont concernés, les entreprises du secteur du transport des personnes, de l’hôtellerie et du tourisme, les commerçants des marchés et Yaars fermés, les taximen, les ménages, les médias et les entreprises du secteur de la publicité, les entreprises en difficultés. A côté de ces acteurs, le gouvernement compte acquérir des intrants agricoles et des aliments pour bétail afin de soutenir la production vivrière et pastorale, activer le fonds de solidarité au profit des acteurs du secteur informel, en particulier pour les femmes afin de relancer les activités de commerce des légumes et fruits, etc. La perspective des élections de novembre 2020 explique-t-elle cette volonté d’inclusion de toutes ces couches sociales, tout en gardant un caractère sélectif dont seulement les politiciens ont le secret ? (…) la relance par la consommation constitue un moyen de raccourcir les délais de transmission des effets et des impacts des mesures à une économie fragile comme la nôtre ». Poursuit l’économiste.

Le gouvernement burkinabè semble avoir trouvé une voie pour mettre à la disposition de l’économie un montant de 394 milliards de FCFA, représentant 4,45% de notre Produit Intérieur Brut. Quel outil a-t-on utilisé pour parvenir à ce montant ? Quelles structures a-t-on impliqué pour faire ces calculs ? Au lieu de rechercher les directions qui vont pousser vers une analyse transversale et globale, ce sont souvent, des analyses utilisant un succédané d’équilibre partiel que le gouvernement nous livre. En effet que ce soit la question de l’extension du prélèvement de l’IUTS aux primes et indemnités aux fonctionnaires du public, celle de la baisse des prix du carburant, celle de la  gestion du Covid-19, celle de la hausse des salaires de 25%, toutes ces questions sont abordées a priori par le gouvernement sous l’angle sectoriel (méso-économique).

Lire l’intégralité ici : IUTS, analyse de Claude Wetta

DK

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