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Coup d’État au Burkina : Près de cinq mois après, que retenir de l’évolution de la situation nationale ?

En dehors de Damiba en treillis à la place de Kaboré en Faso Danfani sur le fauteuil présidentiel, quel changement à la tête de l’Etat? Diagnostic sans complaisance de l’état de la gouvernance du RSPM par le RENLAC, face au journalistes, le 21 juin 2022. Morceaux choisis:

…le 24 janvier un groupe de militaires se réclamant du Mouvement patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) annonçaient à la Télévision nationale s’être emparés du pouvoir. Ces derniers justifiaient leur coup d’Etat par la dégradation continue de la situation sécuritaire et l’incapacité du pouvoir déchu du Président Roch Marc Christian Kaboré à unir les Burkinabè pour y faire face.

Ces militaires du fantomatique MPSR, dirigé par le Lieutenant- Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, se sont fixés pour principal objectif la restauration de l’intégrité du territoire national. Dans la foulée, une charte de la Transition a été adoptée. Celle-ci a été suivie par la mise en place d’un Gouvernement et d’une Assemblée législative de la Transition. Et le chef de la junte, le Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, a été, de fait, désigné Président de la Transition.

Près de cinq mois après, que retenir de l’évolution de la situation nationale ?(…)

Dans son adresse du 1er avril 2022 à la Nation, le Président Damiba annonçait une série de mesures pour, dit-il, créer les conditions pour un recouvrement de l’intégrité territoriale. (…)

Parmi lesdites mesures figurent entre autres la création de Comités Locaux de Dialogue pour la Restauration de la Paix, dont la mission est d’initier des approches avec les membres des Groupes en rupture de dialogue avec la Nation, ainsi que le démarrage des opérations d’audits de l’administration publique et des sociétés d’Etat pour faire la lumière sur les gestions passées.

Ces audits sont toujours en cours. Mais bien plus que leurs résultats, l’opinion nationale attend surtout de voir le sort qui leur sera réservé.
(…)

En ce qui concerne la situation sécuritaire et humanitaire, aucun changement qualitatif notable n’a été observé. Au contraire, les attaques armées se sont multipliées voire amplifiées, gagnant plusieurs parties du territoire national d’Est en Ouest et du Nord au Sud.

Et l’armée peine toujours à les contrer. En témoigne l’attaque meurtrière survenue à Seytenga dans le Sahel il y a de cela une dizaine de jours. Avec un bilan officiel de 86 morts, cette attaque est la plus meurtrière que le pays ait connue depuis un an. (…)

Sur le plan de la gouvernance, si nous convenons que cinq mois d’exercice du pouvoir peuvent s’avérer insuffisants pour juger du bilan du MPSR et de la Transition, il est également indéniable que les premiers pas d’un régime sont déterminants pour savoir si la marche à suivre est bonne ou pas.

Déjà le 24 février 2022, le REN-LAC exprimait ses doutes, dans une déclaration, sur le changement de paradigme au sommet de l’Etat. Cela au regard des entorses juridiques qui avaient entouré la prestation de serment du Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba comme Président du Faso devant le Conseil constitutionnel, et des agitations fébriles de certaines Organisations de la Société civile (OSC) appelant à soutenir le MPSR.

Aujourd’hui, la gestion quotidienne des affaires par la Transition montre que le pouvoir actuel, à l’image de son prédécesseur déchu, ne semble pas avoir pris la pleine mesure des aspirations populaires. On en veut pour preuve les salaires servis aux membres du gouvernement qui sont passés du simple à plus du double1 (973 320 à 2 386 256 pour les ministres et 1 089 720 à 2 782 717 F CFA pour le Premier ministre).

Dans un contexte de péril de la nation où un Burkinabè sur dix est déplacé interne et de nombreux autres peinent à se trouver un repas par jour, cette augmentation de salaires des membres du gouvernement de la Transition apparaît indécente.

Qui plus est, l’article 4 du nouveau décret pris pour fixer les salaires des membres du gouvernement et présidents d’institution stipule que les rémunérations prévues sont maintenues au profit des personnalités citées plus haut pendant les six mois qui suivent la cessation de leur fonction. Tout en précisant que c’est le salaire du mois au cours duquel intervient la cessation de fonction qui leur est dû.

Ainsi, la « gouvernance par l’exemple loin du faste des temps de paix » annoncée par le président Damiba n’a été que de la poudre jetée aux yeux. Alors qu’il est demandé aux braves populations qui peinent déjà à survivre de consentir à l’effort de guerre, les dirigeants, eux, continuent de se la couler douce comme si de rien n’était. (…)

Il est grand temps de comprendre une fois pour toute que l’exemplarité et le sens du sacrifice doivent être le leitmotiv de l’action gouvernementale et de tous ceux qui sont appelés à assumer des responsabilités quelconques.

A l’évidence, sans une lutte résolue et sincère contre la corruption et la mal gouvernance, la restauration de l’intégrité du territoire dont le Président Damiba semble faire son principal objectif sera vouée à l’échec.

L’attaque terroriste perpétrée le 14 novembre 2021 contre les membres du détachement d’Inata, au cours de laquelle 57 gendarmes ont été tuées dans des conditions de dénuement total, démontre à quel point la corruption et la mal gouvernance constituent la sève nourricière de l’insécurité.

Du reste, le peuple burkinabè est toujours en attente de connaître le contenu du rapport de l’inspecteur général des forces armées nationales, afin d’être située sur les causes réelles et les responsabilités dans ce drame. C’est une exigence de transparence et de redevabilité des gouvernants.

La lutte contre la corruption et la mal gouvernance doit avoir pour socle la transparence et la redevabilité. Pourtant, tout semble indiquer que ces deux valeurs ne sont pas les vertus les mieux partagées par le pouvoir de la transition.

En effet, depuis l’avènement du MPSR, le Président Damiba semble s’inscrire dans la même logique que son prédécesseur Roch Marc Christian Kaboré avec la nomination à la tête des sociétés d’Etat et des grandes institutions publiques d’amis et copains.

Pourtant, l’accès à ces postes est censé se faire par appel à candidature. Dans la même lancée, les révocations systématiques avec effet immédiat des Directeurs généraux et Présidents d’institutions suscitent des interrogations légitimes sur les intentions réelles du pouvoir, car en principe la révocation d’un agent public devrait s’appuyer sur des faits précis qui lui sont reprochés et connus de tous.

Pour couronner le tout, les tenants actuels du pouvoir font des pieds et des mains pour verrouiller les espaces de libertés démocratiques, au nom de la lutte contre le terrorisme, museler la presse et empêcher l’exercice de la veille citoyenne.

C’est d’ailleurs l’inquiétude légitime que les organisations professionnelles des médias ont exprimée, début juin, pendant l’adoption de la loi portant habilitation du gouvernement à prendre des mesures par ordonnance dans le cadre des sujétions liées aux nécessités de la défense nationale.(…)

En dehors d’apercevoir le Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba en treillis militaire en lieu et place du Président Roch Marc Christian Kaboré en Faso Danfani sur le fauteuil présidentiel, on peut bien se demander s’il y a véritablement eu un changement à la tête de l’Etat. Tellement il n’y a eu aucune rupture dans la gouvernance du pays.

C’est le lieu pour nous de rappeler aux autorités que l’article 1 de la charte de la Transition promeut entre autres comme principes et valeurs cardinales le patriotisme, l’intégrité, la dignité et l’exemplarité.

Du reste, une des missions assignées à cette transition, c’est de renforcer la gouvernance, ainsi que la lutte contre la corruption et les infractions connexes à travers la mise en œuvre de réformes audacieuses nécessaires dans tous les secteurs.

C’est pourquoi, le REN-LAC demeure convaincu que la transition gagnerait mieux à s’inscrire dans la culture de la transparence, de la redevabilité et de l’exemplarité en mettant au cœur de son action la lutte contre la corruption et la mal gouvernance.

Ce n’est qu’à ce prix qu’elle pourra relever les défis de la lutte contre le terrorisme. Autrement, les actions de communications voire de propagande organisées çà et là et non sous-tendues par des résultats concrets et visibles ne sont que spectacles.

En tout état de cause, le REN-LAC encourage les populations à poursuivre leurs actions de veille citoyenne, afin de contraindre les autorités à l’exemplarité et au respect des principes de la bonne gouvernance.

Sagado Nacanabo
Secrétaire exécutif du REN-LAC (Réseau national de lutte anticorruption)

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