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Impunité au Burkina Faso : Le grand déballage de Me Prospère FARAMA

Au cours de la Conférence de presse du Mouvement Burkinabè pour les Droits humains et des Peuples (MBDHP) ce jeudi 2 novembre 2017 à Ouagadougou, Me Prospère FARAMA, représentant du collectif des avocats de l’insurrection populaire, s’est étalé sur plusieurs questions judiciaires qui retiennent l’attention ferme des Burkinabè. La demande d’extradition de François Compaoré par la France, la volonté d’aller auditionner l’ex-premier Ministre Yacouba Isaac Zida au Canada, la lenteur dans les procédures judiciaires, etc. sont entre autres sujets abordés par l’avocat.

Me Prospère FARAMA

Sur la probable extradition de François Compaoré, frère cadet de l’ancien président burkinabè Blaise Compaoré, arrêté le 29 octobre dernier par la justice française, Me Prospère FARAMA indique que le débat qu’ils ont eu avec les avocats de François Compaoré est un débat de pure droit. A l’en croire, les avocats ont évoqué l’argument selon lequel, il y a de forte chance que François Compaoré ne soit pas extradé au Burkina Faso. « Ce n’est pas notre avis », assène-t-il.

La loi française interdit d’extrader un Français mais François Compaoré n’étant pas Français, Me Prospère FARAMA pense que cette loi ne doit pas s’appliquer sur lui. Aussi, selon la loi française, pour que l’extradition puisse se faire il faut qu’il y ait un caractère de réciprocité dans les infractions avec les pays d’origine. A cette question, Me Prosper FARAMA confit que « notre code pénale est la pâle copie du code pénal français d’il y a 30 ans ».

Aussi, il se trouve que la France n’extrade pas un citoyen dans les pays où est appliquée la peine de mort. « La peine de mort n’est pas contenue dans les textes français, c’est la jurisprudence qui l’établit. Mais en réalité il y a des exceptions », explique Me FARAMA. Et pour lui, l’exception principale est de donner l’assurance que la peine de mort ne sera pas appliquée contre la personne dans le pays où l’extradition est demandée. « Au Burkina Faso, cela fait maintenant 30 ans qu’aucune peine de mort n’a été exécutée. Même les peines qui ont été prononcées il y a des dizaines d’années, n’ont pas été exécutées », précise-t-il.

Autre argument avancé par les avocats de François Compaoré est que la Côte d’Ivoire n’admet pas la double nationalité. François Compaoré ayant pris, lui aussi, la nationalité ivoirienne, cela sous-entend qu’il n’a plus la nationalité burkinabè mais plutôt celle ivoirienne. « Ce qui est faux en droit », s’insurge Me FARAMA pour qui « un pays ne peut pas décider de retirer une autre nationalité à un citoyen ».

Il reproche aux autorités actuelles leur mutisme dans le traitement des questions judiciaires. Pour lui, la question de l’extradition n’est pas une question purement juridique. « Quand on demande une extradition on fait du lobbying, on fait des pressions. Dans certains pays, le refus d’extradition a créé des crises diplomatiques. (…) En fonction de la nature du crime, il est inadmissible qu’un pays qui est reconnu comme un pays des droits humains, refuse d’extrader quelqu’un pour qu’il vienne répondre des crimes qu’on lui reproche », explique-t-il.

Aussi, leur accuse-t-il de ne montrer aucune profonde volonté dans l’extradition de François Compaoré. « Il faut qu’on sente de la part de nos autorités qu’il y a un signal fort qui est donné à la France pour faire comprendre que cette question nous tient à cœur et que nous tiendront pour responsables les Français si François Compaoré n’est pas extradé pour être jugé ».

Me FARAMA a également fait la confidence selon laquelle un journaliste français lui aurait fait savoir que « le jour de l’héliportage de Blaise Compaoré pour aller à Abidjan, il avait exigé que François soit avec lui. Les autorités françaises avaient refusé en disant que les ordres qu’ils avaient reçus étaient uniquement d’héliporter Blaise Compaoré. Cela sous-entend que François Compaoré était laissé à la disposition des Burkinabè. Il était à votre disposition pour que, justice si vous le souhaitez, soit faite. Pourquoi l’avez-vous laissé sortir du pays ? En plus par avion ? ».

« On laisse sortir du pays des personnes qui sont soupçonnées de crimes et on veut après aller les entendre par voie diplomatique, ou vouloir demander leur extradition. C’est pour ça nous remettons en doute la volonté de nos autorités à voir ces personnes être jugées », a-t-il dit. Il pense dans ce sens qu’il faut une grande mobilisation du peuple pour que la France voie et pour que nos autorités comprennent qu’ « on ne peut pas sacrifier ces morts qui sont tombés sur le champ de bataille à l’ombre des relations diplomatiques et politiques. Il est temps que cela s’arrête». Il a tout de même reconnu que dans le dossier Norbert Zongo, du Putsch et de l’insurrection, il y a des avancées. « Mais ce n’est pas suffisant », dit-il.

L’avocat déplore le fait que la commission d’enquête pour enquêter sur les responsabilités des personnes accusées dans ce dossier soit mise en place « une année après les faits ». « Même la commission sur le putsch a été mise sur pied avant la commission sur l’insurrection populaire. Nous nous posons la question à savoir pourquoi l’on attend tant de temps pour juger des personnes qui ont fait tomber des gens sur le champ d’honneur ? Au MBDHP nous avons toujours interpellés les autorités pour leur dire que dans ce cas, le Général Zida devait s’expliquer. A la fin du putsch, les généraux en place devraient se prononcer pour expliquer ce qui se passe. Personne ne nous écoutait. Mais nous avons toujours dit que tant que l’on ne fera pas la preuve de bonne volonté nous sommes en droit de suspecter des connivences en ces différentes personnalités. Malgré tout on a laissé partir le général Zida et aujourd’hui on dit qu’on va aller l’entendre par voie diplomatique », déplore-t-il.

Il pense aussi que la volonté actuelle de la justice d’aller entendre Zida au Canada est une formule discriminatoire. Il relève le fait qu’aucune voix ne s’est élevée pour dire d’aller aussi entendre François Compaoré, ni Blaise Compaoré par voie diplomatique. « Eux, on les a inculpés et on a lancé des mandats d’arrêt contre eux. En ce qui concerne Zida, on dit qu’on va aller l’entendre par voie diplomatique. Qu’on nous explique pourquoi ce cheminement », assène-t-il avant de révéler qu’après l’insurrection populaire, le MBDHP avait saisi le Ministre de la Défense qui était Roch M. C. Kaboré en lui demandant d’ouvrir une enquête contre les militaires, notamment Zida.

Mais malgré tout, dit-il, rien n’a été fait. Pour Prospère FARAMA, les chefs militaires sont les personnes les mieux placées pour informer la justice sur « qui était sur le terrain, qui détenait les armes et qui a probablement tiré ». Il pense qu’aujourd’hui, les cérémonies d’hommage et de dépôt de gerbes organisées par le président du Faso est « une insulte à la mémoire des morts » parce que selon lui, le seul hommage qu’on puisse leur rendre, c’est «  la vérité et la justice ».

L’avocat dit s’inquiéter du fait que les dossiers soient « biaisés ». Il se dit qu’à l’allure où vont les choses, l’on arrivera à un moment où la procédure judiciaire sera enclenchée contre « les tas de champignons », alors que les « gros poissons » sont dehors.

Sur la demande d’inculpation faite par le général Diendéré aux autorités judiciaires d’inculper la hiérarchie militaire, Me FARAMA estime que cette révélation est un secret de polichinelle. A l’en croire, le Général Diendéré avait émis cette idée il y a fort longtemps. Et à l’époque, la justice avait convoqué le général Pingrenoma Zagré qui avait refusé de comparaitre. « C’est là que nous tirons la conséquence et la confirmation par ces déclarations, de la forfaiture du gouvernement actuel. Non seulement il a refusé de comparaitre, mais, à en croire l’avocat de Diendéré, il y a eu pire. En effet, le procès-verbal qui avait constaté le refus de comparution du général Pingrenoma Zagré avait été soutiré du dossier », soutien Me FARAMA qui martèle dans ce sens que c’est un fait « grave ».

Il pense que dans les normes, toutes ces personnes devraient être entendues pour la manifestation de la vérité. « Il n’est pas normal que dans une république on puisse nous dire aujourd’hui que des gens ont refusé d’obtempérer à une convocation de justice », s’est-il indigné avant de conclure qu’ « il y a un fort soupçon de deal entre certaines personnes qui date depuis l’avènement de la Transition et qui produit malheureusement ses effets aujourd’hui ».

Armand Kinda
Infowakat.net

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