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L’an1 du procès putsch 2015: un anniversaire qui se fête dans le floue

Un an jour pour jour que le procès du putsch de septembre 2015 a débuté. En effet, mardi 27 février 2018 à 8h, le tribunal militaire élisait domicile dans la salle des fêtes de Ouaga2000. Mais au préalable le 29 décembre 2017, la Chambre de contrôle de l’instruction rendait un arrêt aux fins de mise en accusation envoyant ainsi 84 accusés devant la chambre de première instance du tribunal militaire de OUAGADOUGOU. Les noms de ces accusés ont d’ailleurs été publiés dans la presse au grand dam du principe de la présomption d’innocence. Ils sont notamment poursuivis pour des faits d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, complicité de meurtre, dégradations aggravées de biens, complicité de dégradations volontaires aggravées de biens, coups et blessures volontaires, complicité de coups et blessures volontaires, etc. Avocats de la partie civile et de la défense en passant par le parquet militaire, sans oublier les associations de victimes, bref, tous nourrissaient au moins un espoir commun : que la vérité soit dite et que justice soit faite.

Le moins que l’on puisse dire c’est que l’enthousiasme a considérablement baissé. L’on se rappelle en effet des premiers jours où la salle transformée en tribunal pour la circonstance refusait du monde. Les parqueurs qui faisaient de bonnes affaires aujourd’hui comptent du bout des doigts les motos qui garent dans les parkings improvisés.

A l’entame de ce procès, la question de légalité et la légitimité du tribunal avait été soulevée par la défense et a fait l’objet de débats pendant des jours. Le président du tribunal commis à la tâche avait été nommé le 22 février 2018 et les avocats de la défense, ont indiqué que le décret de nomination du président de la Chambre de première instance de ladite juridiction, n’était pas, à la date du 27 février 2018, encore entré en vigueur, vu que ce décret de nomination avait été publié au journal officiel le 22 février. Pourtant selon l’article 2 de l’ordonnance n°75-23 du mai 1975, « les lois et ordonnances, ainsi que les actes réglementaires deviennent exécutoires sur tout le territoire du Faso huit jours francs après leur publication au Journal Officiel ». De ce fait le tribunal en l’espèce ne pouvait pas donc pas siéger. Stratégie de défense pour les uns ou dilatoire pour les autres, quoi qu’il en soi c’est bien Seydou Ouédraogo qui préside la cour.

Du plus petit au plus grand

Le tribunal a procédé crescendo, en partant du menu fretin vers les supposés « cerveaux » de l’affaire. Rappelons que sur les 84 accusés, 74 ont répondu présents ; 9 sont en fuite, dont un a été rattrapé.

Et des recoupements de dépositions entendues à la barre, il ressort clairement que nombreux sont ceux-là qui sont dans le box des accusés pour des broutilles. Tous les « petits » y sont pour avoir exécuter des ordres venant de la hiérarchie. Que ce soit pour « aller chercher » un officier, « réparer une moto à la place de la nation », ou encore fait du « jalonnement à l’aéroport », ils sont nombreux à crouler sous les charges juste pour avoir été là et de faction au mauvais moment et au mauvais endroit.

D’ailleurs la question de la définition de l’ordre militaire et de la responsabilité qu’ implique son exécution a été l’objet de débat pendant des semaines. Et tous semblent s’accorder sur la définition donné par le droit. Cependant entre celui qui a donné l’ordre, et celui qui l’a exécuté, qui est le plus coupable ? Telle fut la question posée par les avocats de la partie civile à tous les accusés. Cette question faisant intervenir la notion de hiérarchie, tous attendaient d’être mieux éclairés sur la question une fois que cette fameuse hiérarchie serait devant le président du tribunal.

Et si tout n’était qu’une série de frustrations?

Il aura fallu attendre neuf mois, plus précisément en novembre 2018, avant que le général Diendéré ne parle. Et ce fut un choc pour plus d’un, quand ce dernier qui avait dit au pare-avant vouloir « assumer pleinement » les choses venait donner un autre son de cloche à la barre.

Et pendant que le monde attendait que le présumé auteur du « Coup d’Etat » admette son forfait celui-ci plaide non coupable et lance « je n’ai ni planifié ni exécuté ni organisé ce que les gens appellent coup d’Etat ».

N’empêche que le général Diendéré a livré quelques secrets sur les agissements qui avaient cours au sein de l’ex régiment de sécurité présidentielle (RSP) du président Compaoré. Parmi ces agissements, il y avait la tentative (réussie) de dissolution du RSP par l’ex premier ministre sous la transition, Yacouba Isaac Zida. Ce dernier explique dans son livre intitulé je sais qui je suis, en substance qu’il se sentait investie d’une mission divine et que cette mission lui intimait certains actes. Visiblement cette mission, il était le seul à la comprendre car les éléments du RSP ne le portaient plus dans leurs coeurs. A en croire les débats à la barre, il y avait un camp pro Zida et un autre contre. Et c’est finalement ce dernier qui a fini par faire irruption pendant le conseil des ministres le 16 septembre 2015, prenant ainsi en otage le président Kafando, et son gouvernement y compris M. Zida.

L’on pourrait imaginer que seul les accusés en voulaient à ce dernier pour avoir manigancé des combines contre le corps RSP, mais même de témoins comme les généraux Oumarou Sadou et Pingrénoma Zagré déballent certains faits à son encontre. Celui ci (général Zagré) explique que le général Yacouba Zida (par ailleurs devenu général par le truchement de nomination exceptionnelle sautant les étapes) aurait commandé du matériel militaire à hauteur de milliards et qu’il aurait tenté par tous les moyens de le forcer à signer l’ordre de commande sans avoir testé le matériel en question. Agissement, pour ne citer que celui-là, qui sont louches du point de vue du général Zagré.

Ainsi, au vu de ces éléments, le « coup d’Etat » n’aurait été que la résultante d’une série de frustrations notamment celles portant sur le statut des militaire, celle sur l’exclusion de certains partis politiques, et la troisième, la dissolution du RSP qui a été demandé par la CRADE (commission de réflexion et d’aide à la décision).

 

Le cadeau tout fait tout prêt

Des 84 accusé, 74 ont été entendus. Au départ, l’on se disait tout comme le déclarait Me Farama Prosper avocat de la partie civile que, « 84 personnes ne peuvent pas organiser un mensonge cohérents sur la durée ». Et bien à l’Etape actuelle du procès, c’est le flou qui prédomine dans les esprits. Qui dit la vérité ? Qui ment ?

Le général Diendéré accuse la hiérarchie militaire qui selon lui, l’a appuyé dans ses démarches. Cette hiérarchie de son côté (qui est toujours en train d’être interrogée) affirme avoir refusé en bloc de lui apporter un quelconque soutien. Au contraire « nous avons été très ferme » déclarent-ils tous. Depuis maintenant un mois, cette hiérarchie s’évertue à faire comprendre à la cour que lors des événements, la hiérarchie militaire s’inscrivait dans une logique de négociation plutôt que d’usage de la force.

M. Diendéré quant à lui, pour justifier le fait que ce soit lui qui ait pris les devants de la chose, explique c’est parce que la hiérarchie à manqué de fermeté, et qu’en plus elle lui aurait même permis des missions de maintien d’ordre avec du matériel militaire volant. Là encore une fois de plus les déclarations laissent croire que tout ce remue-ménage n’a été la résultante qu’une succession d’incompréhension ou du moins, de passivité, car « qui ne dit mot consent ».

Il va jusqu’à dire qu’il a « assumé la situation » parce que personne d’autre ne voulait le faire. A l’écouter, ce qui s’est passé les 16, 17 septembre et jours suivants n’a vu sa participation que parce qu’il avait  » l’habitude, en tant qu’aîné, d’être consulté pour des résolutions de crises  » antérieures au sein de l’armée, notamment au sein du corps RSP.

Les médias nationaux pointés du doigt

En fait, la répartition des responsabilités dans ce procès qui semblait être évidente d’emblée s’avère maintenant plus compliquée, tant les subtilités sont nombreuses. Et la défense les utilise bien à son avantage.

Toutefois, loin de prétendre nous ériger en juge, nous sommes tout de même tentés de penser comme le général Diendéré. C’est-à-dire que « des personnes sont dans le box des accusés pour avoir juste effectué une mission de réparation de moto à la place de la nation, pendant que les donneurs d’ordre, ceux qui ont planifié les missions sont libres ».

Un autre aspect de l’histoire est la couverture médiatique de ce procès par les médias burkinabé. Pour les avocats de la partie civile, les journalistes nationaux font du bon travail. Mais du côté de la défense, c’est plutôt la déception. Certains dont nous tairons les noms estiment que les médias nationaux ne sont pas impartiaux dans les comptes rendus. De ce fait si aux débuts ils ne trouvaient pas d’inconvénient à se prononcer sur les déroulés des audiences, ce n’est plus le cas. « Un jour j’ai parlé de 9h à midi ici à l’audience, mais quand j’ai lu certains organes de presse, certains n’ont mentionné mon passage qu’avec deux phrases. Ce n’est pas sérieux », nous lance un d’entre eux.

En attendant, nous tirons vers la fin de ce procès. Aucun pronostic sur le timing ne peut être fait. Cependant, de ce qui a déjà été dit, les opinions des uns et des autres ont certainement dues être forgées. Et il ne serait pas inopportun de penser que personne ne saura toute la vérité sur cette affaire, si ce n’est « Dieu qui connait la fin de toute chose avant son commencement » comme le dit le général Pingrénoma Zagré.

Ange L. Jordan MEDA

Infowakat.net

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