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Protection des civils dans les conflits, le chemin de croix de la croix rouge

Le nombre de déplacés internes au Burkina Faso s’accroît. Le 05 septembre, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCHA ou OCHA) a dénombré 288 994. Le président du comité international de la croix rouge (CICR), Peter Maurer, lors de son passage au Burkina a soulevé la question des défis sanitaires auxquels sont confrontés les déplacés dans les camps. La fermeture de centres de santé dans le nord ou leur fonctionnement à minima est un danger latent qu’il faut résoudre au plus vite. Mais il n’y a pas que la santé qui soit un soucis pour les organismes humanitaire au Burkina Faso. Il y a aussi et surtout le problème de la sécurité des civils ou des personnes qui soit ne prennent plus ou qui ne prennent pas part aux combats. Dans son mandat humanitaire, le CICR tente de sensibiliser toutes les parties prenantes aux conflits sur la nécessité d’épargner les personnes non impliquées dans les combats. C’est ce que nous explique Émeline YAMEOGO, chargée de communication à la mission du CICR au Burkina.

Infowakat (IW) : quels sont les défis sanitaires auxquels le CICR est confronté ?

CICR : il y a beaucoup de structures sanitaires qui sont fermées notamment 65 qui fonctionnent en minima, ce qui ne permet pas aux populations d’avoir accès à des soins de qualité. C’est l’occasion pour nous d’attirer l’attention et d’indiquer l’impact des violences sur les soins de santé qui peut détériorer les conditions de vie des populations notamment celles qui sont déplacées et qui sont obligées de faire des centaines de kilomètres pour avoir des soins de santé de qualité.

IW : quelles sont les incidences à court, moyens et long terme de la fermeture de ces centres de santé ?

CICR : vous savez aussi bien que moi qu’une personne malade qui n’arrive pas à avoir accès aux soins de santé, à rencontrer du personnel soignant, peut voir sa maladie s’aggraver et peut aussi, dans le pire des cas perdre la vie. C’est clair que le fait de ne pas avoir accès à ses soins de qualité et dans un délai assez limité, peut réduire le niveau de vie et même entraver la vie de certaines personnes. C’est important que toutes les personnes qui sont malades puisses avoir accès à des soins de santé, et éventuellement que les instituts sanitaires puissent être fonctionnels avec toutes les qualifications possibles pour permettre aux malades de pouvoir avoir des soins parce que sans santé il n’y a pas de vie.

Lire aussi : Les déplacés, qui doit s’en occuper?

IW : comment on peut définir une personne en détention ?

CICR : une personne en détention est une personne qui est privée de liberté soit à cause d’une infraction que la personne a commise ou à cause d’une situation de violence et de conflits. Le CICR s’intéresse particulièrement à toutes les personnes qui sont privées de liberté en lien avec des situations de violence ou de conflits. Ce sont des personnes  qui ont été arrêtées et qui sont détenues parce qu’il y a la situation de violence ou des conflits.

IW : aujourd’hui est ce que le CICR a un état des lieux de personnes en détention ou privées de liberté en lien avec les violences au Burkina ?

CICR : le CICR n’a pas de chiffre, par contre il effectue régulièrement des visites dans certains lieux de détention provisoires ou définitifs que ce soit à Ouagadougou, à Fada ou à Djibo dans le but de visiter les personnes qui ont été arrêtées en lien avec des situations de violence que connait le pays et de voir dans quelles conditions ces personnes sont traitées. On entretient aussi un dialogue afin que ces personnes puissent bénéficier de meilleures conditions de détention.

IW : vous parlez de meilleures conditions, est-ce pour dire que les conditions de détention actuelles ne sont pas bonnes ? Quel est votre constat sur le terrain ?

CICR : la particularité du CICR s’est d’être une organisation humanitaire assez confidentielle notamment dans les activités qu’elle mène dans les lieux de détention. C’est cette particularité qui nous permet de pouvoir y accéder et de pouvoir y travailler, de pouvoir avoir un dialogue direct avec les autorités pénitentiaires.

Mais la mission à ce niveau c’est de s’assurer que les détenus où qu’ils soient ont accès aux soins de santé, à l’eau, à la nourriture.

Et c’est en tenant compte du dialogue et du constat qui est fait que le CICR peut proposer des mesures. Pour le cas du Burkina nous n’avons pas de remarques.

IW : est-ce que le CICR intervient aussi en faveur de ses personnes privées de liberté à cause de crimes dans les maisons de correction ?

CICR : De façon directe, non. Par exemple quand le CICR visite un lieu de détention, il va s’intéresser à toutes les personnes qui y sont détenues pas uniquement pour ceux qui y sont pour des incidents de sécurité ou en lien avec les violences mais toutes les personnes qui y sont pourront avoir l’attention du CICR.

Quand on parle de conditions d’amélioration, cela va toucher toutes les personnes qui y sont détenues. Mais à priori pour les autres cas de détention tels que pour les infractions de droit commun, généralement le CICR n’intervient pas dans ce type de situation.

IW : quel est le standard du CICR en matière de conditions optimales de détention ?

CICR : il n’y a pas de standard du CICR, il y a seulement le standard du droit international des droits de l’homme que le CICR s’efforce de mettre sur la table. Il y a également les normes que prévoit le droit international des droits humanitaires. Et les standards sont ceux minimum qui sont garantis par la constitution du Burkina Faso, à savoir la préservation de l’intégrité physique, le droit à la santé, le droit à l’alimentation et le fait de pouvoir être dans de bonnes conditions de détention.

IW : Par rapport au droit à l’alimentation, il y a des familles qui se plaignent du fait que les repas n’aboutissent pas chez leurs membres incarcérés. Qu’avez-vous à dire là-dessus ?

CICR : Nous avons aussi eu l’information comme tout le monde dans les medias. Le processus permet aux familles des personnes détenues d’acheminer la nourriture mais il y a des voix beaucoup plus autorisées que la nôtre pour dire dans quel circuit cela peut se passer et éventuellement si ça n’aboutit pas quelles sont les raisons. Mais dans tous les cas il y a effectivement un dispositif qui prévoit que les membres des familles des personnes détenues puissent contribuer à l’alimentation de leurs proches et suivant certaines conditions.

IW : pouvez-vous nous décrire le principe de protection des personnes qui ne prennent plus part ou qui ne prennent pas part aux conflits ?

CICR : pour la définition, nous allons tout simplement revenir à ce que le droit international humanitaire dit. Le droit international est un ensemble de règles internationales qui sont applicables uniquement en temps de conflits armés et qui vise à limiter, les conséquences de ces conflits. Il protège justement les personnes qui ne participent pas. Quand on parle de personnes qui ne participent pas directement, ce sont des personnes qui ne participent pas aux hostilités, qui ne prennent pas les armes. Les personnes qui ne participent plus, sont par exemple des personnes qui ont participé mais du fait d’être blessé ou malade ou simplement en détention ne peuvent plus participer. Toutes ces personnes ont droit au respect et ne doivent pas être attaquées.

IW : aujourd’hui, est ce que le CICR a des cas de personnes qui ne participent plus à des combats armés au Burkina ?

CICR : je pense que la question serait peut-être qu’est-ce que le CICR fait pour attirer l’attention sur le sort des personnes déplacées. Les personnes déplacées sont des personnes qui ont été obligées de fuir des situations de violences. Ce que nous faisons également c’est tout ce que nous apportons en termes d’eau, d’appuis, d’hygiène, d’assainissement, de nourriture, d’article ménagers essentiels. C’est également le dialogue que nous avons avec toutes les parties prenantes pour justement s’assurer que les règles applicables puissent l’être et veiller à ce que les personnes qui doivent être protégées puissent l’être.

  1. IW : le CICR a-t’il discuté avec des groupes armés non conventionnels au Burkina pour les sensibiliser sur la protection des civiles qui ne prennent pas part aux conflits ?

CICR : Le CICR est une organisation qui travaille suivant quatre principes fondamentaux essentiels mais il y en a sept. Nous avons l’humanité, la neutralité, l’impartialité et l’indépendance et nous avons surtout un mode d’action confidentiel, ce qui permet au CICR de pouvoir travailler à pouvoir établir un contact.

Disons que le CICR s’efforce en tout cas de pouvoir parler avec toutes les personnes impliquées dans une situation de violence. Et ce n’est pas uniquement au Burkina Faso, c’est partout où il y a des situations de violences où le CICR est présent qu’il s’efforce de le faire. Mais vous conviendrez avec moi que si aujourd’hui on devait exposer tout ce que le CICR fait, c’est probable que demain on ne puisse pas en faire autant.

IW : quelles sont les localités dans lesquelles le CICR intervient ? Et quelle est l’aide principale que le CICR apporte aux personnes déplacées dans ces circonstances ?

CICR : pour cette année le CICR intervient dans essentiellement trois régions, principalement dans celle du sahel dans la province du Soum. Nous allons bientôt en cette fin d’année intervenir également dans l’Oudalan, la région du nord dans laquelle le CICR intervient et nous avons la région de l’est.

Globalement les actions que nous menons, sont de l’ordre de la protection. Quand je parle de protection, c’est la protection des personnes détenues et protection également des personnes déplacées, des personnes qui ne participent plus aux combats.

Nous avons également tout ce qui est volet assistance. Il y a enfin la question de rétablissement des liens familiaux. Quand les situations de violence éclatent, très souvent les familles sont dispersées et une fois qu’on est dans un endroit sécurisé on a besoin d’avoir des nouvelles du proche perdu de vue. Le CICR aide les familles dans ce cadre à pouvoir rétablir le lien avec les membres de leurs familles.

IW : et par rapport au rétablissement des liens familiaux le CICR a t- il recensé des personnes qui ont été séparées à cause des violences au Burkina ?

CICR : L’année dernière nous avons réussi à réunifier deux enfants du Burkina Faso qui s’étaient retrouvés au Mali. Avec la coordination entre les délégations de Bamako, d’Abidjan et de Ouagadougou nous avons pu réunifier les deux enfants avec leur famille dans le nord et c’est une joie pour nous quand on arrive à le faire.

Il y a également les messages croix rouge que nous récoltons dans les lieux de détention ou au niveau des camps des personnes déplacées, et que nous distribuons. Les familles reçoivent une lettre de la croix rouge, d’un parent qu’elles croyaient mort et cela fait chaud au cœur. Entre janvier et juin 2019, il y a soixante-six messages croix rouge qui ont été collectés dans les lieux de détention ; quarante messages croix rouge qui ont été distribués. Mais pour cette année non, il n’y en a pas eu.

IW : Le gouvernement a décidé d’octroyer des escortes sécuritaires pour tous les convois qui apporteraient de l’aide aux déplacés, est ce que le CICR acceptera cette aide ?

CICR : La question d’escorte n’est pas très nouvelle. Nous avons un principe clé qui est celui de la neutralité et de l’impartialité et surtout le fait que toutes nos activités reposent sur l’acceptation que nous visons à construire surtout auprès des communautés et de toutes les parties prenantes. De ce fait il est vraiment difficile pour nous de pouvoir travailler avec une escorte. On communique vraiment sur le fait que notre modus operandi et nos principes fondamentaux ne nous permet pas de pouvoir travailler avec des escortes, bien que toutes les activités soient notifiées aux autorités pour qu’elles puissent savoir ce que nous allons faire, comment est-ce que nous allons le faire et pour qui est ce que nous allons le faire.

IW : Y a t- il eut des cas spécifiques où des convois du CICR ont été pris d’assaut par des groupes armés non conventionnels au Burkina ?

CICR : Depuis le début de la situation sécuritaire non. Et nous croisons les doigts pour que cela ne se produise pas ni pour le CICR ni pour aucun autre acteur humanitaire.

IW : quels sont les canaux que le CICR utilise pour sensibiliser les parties prenantes des conflits à respecter le principe de la protection des civiles et de leurs biens ?

CICR : Il y a différents canaux. Les canaux de proximité tels que des émissions radiophoniques que nous utilisons pour passer le message de ce que le CICR fait suivant les règles humanitaires qui s’appliquent lorsqu’il y a situation de violence ou de conflit.

Il y a aussi tout ce que nous pouvons faire comme animation, à travers les théâtres forums dans les communautés.

Au-delà d’un contact direct avec toutes les parties prenantes dans une situation nous avons la communication publique par le biais de la radio, ou de la communication en ligne ou de la télévision par des émissions qui sont très spécifiques. Dans ces messages nous faisons intervenir des témoignages de personnes qui ont vécu des situations ou qui retracent aussi certaines situations que des personnes vivent pour attirer l’attention.

Il y a aussi l’éducation dès la base au niveau scolaire. Nous l’avons entamé avec des concours scolaires que nous faisons pour les enfants du CE1 au CM1 et on se rend compte que si dès leur petite enfance, il y a des principes qui sont injectés au niveau des enfants, peut être que quand ils grandiront ils vont garder cela et savoir cultiver un milieu plus favorable au respect de l’être humain et du prochain.

IW : quel est le défi majeur auquel est confronté le CICR au Burkina ?

CICR : Le défi majeur pour le CICR et pour les autres acteurs humanitaires c’est de pouvoir accéder partout où toutes les populations dans le besoin se trouvent en toute sécurité.

En plus de cela c’est de pouvoir avoir les moyens pour pouvoir prendre en charge toutes les personnes qui sont affectées par ces situations. Nous sommes aujourd’hui à plus de 280 000 personnes déplacées qui ont besoin d’assistance sous plusieurs formes.

Il nous faut accéder aux personnes mais il nous faut aussi les moyens matériels humains et logistiques pour pouvoir procurer le minimum vital.

Ange L. Jordan MEDA

Infowakat.net

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