01 avril 2022-31 août 2022, le délai de cinq (5) mois sollicité par le Président Paul Henri Sandaogo DAMIBA pour un premier bilan d’étape officiel de la gouvernance de l’actuel pouvoir vient de toucher à sa fin. Cette échéance ouvre ainsi le débat en donnant la parole aux gouvernants et gouvernés sur les acquis et les faiblesses de cette transition. Bien évidemment que dans le cadre du jeu démocratique, des propositions seront faites pour une bonne conduite des 23 mois restants du pouvoir du 24 janvier 2022.
Pour ce qui nous concerne, l »analyse qui va suivre est la suite de notre regard périscopique des 100 jours de la gouvernance du Président DAMIBA rendu public le 05 mai 2022.
Il est de notre habitude dans cet exercice d’attirer en début de texte l’attention du Président du Faso et du Chef du gouvernement sur une difficile réalité qui touche à toutes les couches sociales du Burkina Faso. La deuxième augmentation du carburant le 19 août 2022 sous l’ère de cette transition va dégarnir davantage le panier de la ménagère. Il est vrai que notre pays comme les autres vit sous la pression de conjonctures internationales profondes. Cependant, il appartient à l’autorité de s’assurer de la mise en œuvre concrète de mesures d’accompagnements pour le consommateur afin de ne pas tuer la poule aux oeufs d’or.
Nous débutons le corps de notre analyse par les points positifs à décerner à la transition sur les cinq derniers mois écoulés.
À notre sens la réussite majeure du pouvoir actuel conduit par le Président Paul Henri Sandaogo DAMIBA aura été le consensus trouvé sur la durée de 24 mois entre les nouvelles autorités Burkinabè et la CEDEAO lors du 61e session ordinaire de l’institution régionale au Ghana. Ce consensus a permis au Burkina Faso d’éviter les nombreuses sanctions imposées au ,pays voisin, le Mali. Les sanctions de la CEDEAO avec l’effet boule de neige que cela aurait engendré auprès des autres partenaires bilatérales et multilatérales, le Burkina Faso aurait périclité en s’effondrant totalement. Malgré les énormes difficultés, l’accord trouvé a maintenu notre pays à flop contre vents et marées.
Le deuxième point positif à encourager est le refus de la résignation des nouvelles autorités face au drame sécuritaire. S’il y’a une qualité à reconnaître à l’actuel Président, c’est sa détermination à œuvrer stratégies après stratégies afin de trouver la potion convenable à la gangrène puisqu’il n’existe pas de solution toute faite. À ce propos, que de décisions, de mesures et d’actions auront été prises et menées sur le terrain des opérations. Nous énumérons entre autres :
– la création le 4 février 2022 du commandement des opérations du théâtre national (COTN) dirigé par le lieutenant colonel Yves Didier BAMOUNI pour coordonner et harmoniser les actions de terrain contre le terrorisme.
– la prise de 2 ordonnances le 22 juin 2022 portant création de zones d’intérêt militaire pour les opérations dans les régions du sahel et de l’est.
– la signature de 2 décrets portant la création d’une brigade de veille et de défense patriotique (BVDP), et l’autre sur le statut des volontaires pour la défense de la patrie (VDP).
– l’effort de dialogue entrepris avec des compatriotes égarés qui ont rejoint les groupes terroristes pour les ramener au sein de patrie.
– la signature de 3 décrets les 12 et 18 août 2022 rentrant dans le cadre d’une réorganisation continue de l’armée pour un meilleur maillage des terrains de guerre.
A suivre de façon continue le compte rendu mensuel fait par l’armée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, des acquis sont enregistrés sur les terrains d’opérations, même si les chantiers demeurent énormes.
Le troisième niveau qui peut faire l’objet de satisfaction est l’effort engagé pour une gestion vertueuse des deniers publics par le nouveau pouvoir. L’opinion aura remarqué que le lot de scandales financiers dénoncés par la presse sous le régime déchu n’a plus pignon sur rue. Un effort, cependant à accentuer, est fait pour une amélioration administrative et financière du bien commun. Les résultats de la dizaine d’audits engagés sur la gestion de certaines institutions ou structures à polémique sous le régime passé permettront de travailler à assainir davantage les deniers publics.
Il y’a un quatrième palier emprunté par l’actuelle transition qui mérite d’être encouragé. C’est la volonté affichée, malgré les péripéties, de travailler à favoriser le vivre ensemble au Burkina Faso dans une dynamique de reconstruire la paix en désarmant les cœurs meurtris par plusieurs décennies d’un passé assez tumultueux de notre pays. C’est normal que des divergences soient constatées sur les chemins à emprunter pour y parvenir.
L’essentiel à retenir est que les efforts restent continuent pour ramener tous les enfants du pays au bercail en disponibilisant par un acte présidentiel les soldats privés de liberté depuis 2015 dans le cadre de la lutte contre le terrorisme tout en restant à l’écoute des familles des victimes afin de favoriser un pardon acceptable par tous.
Le nouveau pouvoir à l’épreuve du terrain sur les cinq derniers mois aura aussi présenté des insuffisances.
L’erreur stratégique commise par le Président DAMIBA et les nouvelles autorités est de ne pas avoir procédé à la prise du pouvoir à un état des lieux public de l’enlisement de la situation sécuritaire sur le territoire national. Cette posture aurait eu le mérite d’informer et de préparer l’opinion nationale sur les réalités actuelles combien difficile de la lutte contre le terrorisme.
De la non connaissance des réalités du terrain sécuritaire à l’arrivée du nouveau pouvoir, les populations à tord ou à raison ont fondé leur aspiration en une restauration rapide du territoire sur les quelques semaines qui devaient suivre. Pourtant tout observateur de ce type de phénomène sur d’autres contrées sait bien qu’il s’agit d’un mal qui se guéri sur le long terme avec des victoires d’étapes résultantes d’une stratégie militaire et civile bien harmonisée.
L’efficacité de toute stratégie est perceptible à travers les résultats engrangés. À ce niveau, les résultats sur les différents fronts restent souvent mitigés malgré le travail minutieux et continu que mène les forces de défense et de sécurité (FDS). De la détermination et l’ardeur des FDS sur les champs de combat, les groupes armés sont dans une logique de réadaptation à la nouvelle donne avec dans leur viseur des cibles stratégiques ( explosions de ponts, sabotages de pilonnes des sociétés de téléphonies, détournements de camions chargés de produits pétroliers et de consommations, représailles meurtrières contre les civils…). Malheureusement les anciennes et nouvelles réalités du visage du terrorisme continuent de faire des victimes tant au sein des FDS que des populations civiles. Pour le respect de la mémoire des martyrs tombés, il n’est pas nécessaire d’énumérer un quelconque chiffre affligeant.
La seconde insuffisance qui nécessite qu’on y jette un regard critique est l’action gouvernementale de façon générale. Les réalités complexes actuelles du socle social et politique exigent un gouvernement composé d’acteurs techniquement compétents et surtout politiquement conscients. Le gouvernement Albert OUEDRAOGO étant un condensé de technocrates, il n’arrive pas suffisamment à intégrer les couches sociales notamment populaires dans une dynamique d’anticipation en termes de solutions aux préoccupations des populations. Cette situation donne l’impression d’un gouvernement qui n’a pas totalement fini de prendre ses marques. La mission du gouvernement devrait être de travailler à désarmer le front social à travers des acquis réels afin de permettre au Président du Faso, militaire de profession, de se consacrer de façon permanente à la recherche de solutions efficientes contre l’insécurité.
Aussi, dans le cadre du front social, malgré le travail appréciable mené par le ministre de la fonction publique, Bassolma BAZIE, pour raviver le dialogue, nous constatons que certains partenaires sociaux affirment ne pas être consultés sur des questions majeures relatives aux préoccupations des populations. Ce sentiment de se sentir « exclure » à tord ou a raison pourrait engendrer une ébullition du front social.
À la suite des insuffisances énoncées, nous venons humblement proposer quelques pistes de solutions qui pourraient ajouter de la terre à la terre dans la gouvernance actuelle du pays.
1- la nécessité de procéder à un remaniement gouvernemental dans la dynamique de mettre en place une équipe resserrée de combat techniquement compétente et poliquement consciente.
2- l’urgence de rendre effective la promesse du Président du Faso de doter des FDS d’armements stratégiques, spécifiques et efficaces pour le type de guerre mené dans la lutte contre le terrorisme.
3- l’urgence de rendre effective les mesures d’accompagnements du gouvernement au lendemain de la première augmentation du prix du carburant afin de soulager le panier de la ménagère emprise à l’austérité du marché.
4- la nécessité pour le Président Paul Henri Sandaogo DAMIBA de prendre la décision salvatrice dont la constitution lui confère en sa qualité de Chef de l’État afin d’étoffer la ressource humaine dans la lutte contre le terrorisme et de raffermir le vivre ensemble.
5- la nécessité pour le Président DAMIBA et le commandement de trouver dans l’urgence les solutions militaires et sociales idoines afin d’annihiler l’activisme de groupes armés dans certaines provinces du pays.
Nous souhaitons avant de conclure cette tribune de la Convergence Citoyenne et Panafricaine, organisation reconnue officiellement depuis 2004, nous incliner devant la mémoire des nombreux compatriotes martyrs tombés à la fleur de l’âge sur les différents fronts, loin des élucubrations des citadins des grandes agglomérations. Il suffit de faire le déplacement du cimetière municipal de Gounghin à Ouagadougou pour percevoir le sens du sacrifice consentis par des compatriotes dans le sang afin de permettre au Burkina Faso d’exister encore comme un pays libre.
Burkina Faso, le 31 août 2022
Ousmane SO
Président
Convergence Citoyenne et Panafricaine (CCP/BF)