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Une journée dans la peau d’un policier

L’Etat, et ses représentants deviennent peu à peu part entière du décor dans le quotidien des Burkinabè, principalement des ouagalais. Etre policier au pays des hommes intègres était il y a de cela un passé assez proche une fonction respectée. Mais qui aujourd’hui l’uniforme ou celui qui le porte pataugent dans la boue, car peine à se faire respecter. Boue dans laquelle se mêlent aussi injures, manque de respect, et parfois même violence physique. Les Burkinabè ont un sérieux problème avec l’autorité sommes-nous tentés de penser. A tort ou à raison, le policier burkinabè qui a juré de protéger ses concitoyens se voit dévalorisé dans l’exercice de son métier. Cette protection se situe à plusieurs niveaux puisqu’il existe plusieurs divisions des services de la police. Mais là où ces hommes et ces femmes en tenue sont le plus vu, c’est sur la route. Et c’est justement sur les routes que infowakat.net a décidé, pour la circonstance de se mettre dans la peau des policiers pour une journée dans les artères les plus chaudes de « Ouaga la belle » avec le service de réglementation de la circulation du commissariat central de Police de Ouagadougou.

« Rendez-vous demain 6h » nous lançait la veille le commissaire Ouédraogo. Mais le jour en question, il était 7h quand nous arrivions (enfin) au service de la circulation. Les hommes eux, debout depuis 5h du matin, étaient déjà prêts à 6h pour le déploiement. Un coup d’œil dans les environs, quelques pick-up blancs appartenant au service, des centaines de moto à perte de vue, toute saisies, certaines depuis des mois. Notre guide, l’officier Pierre Kaboré, la cinquantaine bien sonnée, nous explique, qu’en réalité toutes ces motos y sont parce que les conducteurs ont enfreint la loi, mais que faute de titre de propriété, n’ont pas pu les récupérer. « Parmi ce lot il y a des motos volées que nous avons répertoriées mais les propriétaires aussi ne se manifestent pas » poursuit-il.

Mais là n’est pas le sujet. Après un bref tour du propriétaire, nous embarquons nous aussi, pas en uniforme rassurez-vous, dans un de ces pickups, et toujours en compagnie de l’officier Kaboré, en direction de trois gros goulots d’étranglement de la circulation de Ouagadougou.

Il cogne un policier

Un policier se fait cogner

Il était 7h50mn quand nous arrivions au premier carrefour, au quartier Samandin, plus précisément au théâtre populaire. Les routes sont étroites, mais les usagers, comme les commerçants des abords  grouillent comme des fourmis. Au milieu de la route, M. Soumaïla Dao, chef de poste, vêtu de sa tenue grise et sifflet en bouche. Il tente de frayer un chemin assez sûr à tout ce monde qui pointe vers les lieux de travail. Il enchaine les gestes et les coups de sifflet. A ses cotés il y a quatre autres agents placés à chaque feux et un 5ème en arme.

A peine a-t’il tourné le dos, qu’un bruit rock et désordonné qui lui est familier se fait entendre. Un autre policier en moto qui se rendait au travail vient de se faire cogné par un usager visiblement plus pressé que les autres. Tout de suite M. Dao s’empresse de dégager les engins de la voie pour ne pas aggraver le bouchon. L’officier Kaboré qui nous accompagnait, après vérification d’usage, tente de comprendre ce qu’il s’est passé. Et visiblement l’usager en civile a tort car de son côté de carrefour, le passage avait été bloqué par un des quatre agents en poste. C’est donc au moment où le policer à moto tournait à gauche pour aller vers l’église Jean XXIII que notre bonhomme, qui, lui roulait en plus à gauche a été percuté. Mr Kaboré tente en vain d’expliquer à notre contrevenant son forfait, mais celui a la nuque raide. Finalement l’autre malencontreux policier abdique et poursuit son chemin.

« Ce monsieur ne connait même pas le code de la route, il n’a donc pas de permis de conduire », explique notre guide officier. « Avec des gens comme cela il est très difficile de travailler parce que quoi que vous dites, ils remettront toujours cela en cause car ils pensent qu’ils ont raison ».

Presque 9h, et il y a encore embouteillage

Raoul KY à son carrefour

Nous quittons donc ce lieu pour autre situé à quelques 200 mètres. Là-bas au carrefour watam, c’est aussi le stress pour les agents de police qui y sont postés. Cette fois c’est M. Raoul Ky le chef de poste. Même arsenal, mêmes gestes, mais toujours « différents comportements » de la part des usagers. « Personne ne veut laisser l’autre passer. Notre présence même n’est pas respectée. Quand bien même nous abaissons la main pour bloquer le passage, d’autres forcent, et quand on les interpelle devant ils font semblant de ne pas comprendre ».

Lui aussi, au moment où nous étions toujours sur les lieux, a manqué de peu d’être fauché par un motocycliste qui a refusé de soumettre à l’arrêt. Un autre, encore à moto passe malgré les menaces sous le bras de M.Ky et en plus du mauvais côté de la chaussée. Mais comme « notre mission n’est pas de réprimer nous arrêtons et sensibilisons au quotidien. Ce n’est que lorsque l’individu refuse de coopérer que ou de comprendre que les contraventions sont faites » nous dit Raoul Ky.

Là notre guide nous fait remarquer l’heure qu’il fait : « 8h30 passé, presque 9h, et il y a toujours embouteillage. Ce n’est pas normal parce que les gens sont supposés être au boulot à cette heure-là » il y a donc quelque chose qui ne va pas ».

Tout se « gâte » à 18h

Carrefour Shiphra à 17h

Mais notre journée ne s’arrête pas là. Nous changeons une fois de plus de carrefour. Cette fois ci, c’est Shiphra  notre destination finale, avec un nouveau chef de poste et une autre ambiance. Vers 10h la circulation y est moins dense. Les gens ont certainement du rejoindre leurs lieux de travail respectifs. Mais il n’est pas pour autant question d’abandonner les postes, d’autant plus qu’à ce moment, l’électricité était coupée. Quoi que… cela ne change pas vraiment grand-chose car la présence du policier qui réglemente la circulation annule de ce fait le feu tricolore.

De 6h à 14h notre chef de poste et ses éléments restent debout, sous le soleil brûlant de Ouagadougou, à gesticuler et courir aux quatre coins du croisement. Poussière et gaz d’échappement constituent aussi leur lot quotidien de souffrance. Ils ont signé et se sont engagés pour cela, disent certains. Et ils ont raison. Mais pourquoi donc la population les empêche-t-elle de faire ce pour quoi ils ont signé, d’autant plus que c’est dans son propre intérêt à elle.

Un agent qui dépanne un mini convoi de tricycles

En effet, Serge Ouédraogo qui a commencé sa journée à 5h du matin, vient remplacer à 14h ses collègues au carrefour Shiphra avec son équipe à lui. Mais vu l’heure, les choses ne sont pas encore si compliquées. « Entre 15h et 17h c’est assez relax » nous annonce le nouveau maître de bord. « C’est vers 18h  même que tout se gâte, en ce moment tout le monde rentre ». Nous tentons de comprendre la stratégie de manœuvre dans la réglementation.

 

« Le matin ceux qui viennent de Tanghin, et de Tampouy sont plus nombreux que ceux de Dapoya et Paspanga. Donc on priorise ce monde dans les passages. Nous bloquons plus longtemps ceux qui arrivent de Dapoya et de Paspanga au profit de ceux qui viennent de Gounghin et Tampouy. Et le soir, c’est le contraire. On bloque ceux de Gounghin et Tampouy. Ca ne plait pas tout le monde, beaucoup ne comprennent pas pourquoi, mais il faut bien faire comme cela pour vite désengorger la circulation ».

Erreur… les cortèges nuptiaux n’ont pas la priorité

Il est 18h passé à Ouagadougou. Le soleil commence est à peine visible derrière le barrage de Tanghin. Le ciel a les yeux rouges comme pour marquer sa fatigue. Fatigué d’avoir encore une fois de plus observé avec impuissance les comportements bizarres de chacun de ces individus trottinant sur sa motocyclette. Car oui, « le gros du problème, c’est ceux qui sont à moto » admet Mr Ouédraogo avec un ton qui frise l’ironie. « C’est vrai qu’avoir une voiture à Ouaga est plus sécurisé mais en même temps ce n’est pas très pratique. Il est difficile d’échapper aux bouchons quand on est en voiture. Moi-même j’ai une voiture mais je préfère sortir avec ma moto pour plus de mobilité » poursuit-il. Et « quand on observe les motocyclistes, ils pensent que toute la route leur appartient. Ils vont même jusqu’à occuper l’autre côté de la chausser, ce qui empêche les autres de passer, et cela aggrave les embouteillages ».

Les accidents, cela fait partie du quotidien. A cela s’ajoutent les multiples cas de panne « au beau milieu de la chaussée ». Dans ces cas-là « nous même nous aidons les gens à vite dégager la chausser ». Et encore une fois, le boulot ne s’arrête pas là. « Il faut aussi gérer les piétons parce que les Burkinabè ne les respectent pas ». Outre ces faits, il y a aussi « les cortèges de mariage ». Ici nous apprenons qu’en réalité « les cortèges nuptiaux n’ont pas la priorité ». D’après notre chef de poste « ce n’est pas parce qu’ils mettent les feux de détresse qu’ils doivent passer, mais c’est une faveur qu’on leur fait ».

L’on serait tenté de croire qu’après que la circulation se soit calmée, nos policiers puissent rentrer allègrement chez eux, mais non. 21 heure, c’est l’heure à laquelle nos hommes quittent leur point d’affectation. Direction la base pour rédaction du rapport. « Et ce n’est que vers 23h que nous rentrons » conclu M. Ouédraogo.

Ange L. Jordan MEDA

Infowakat.net

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