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Valérie KABORE, Réalisatrice burkinabè : « Ma vie professionnelle a volé un peu ma jeunesse… »

Le 7e art est un domaine en pleine expansion au Burkina Faso et en Afrique de façon générale. Cela est dû aux talents incommensurables des cinéastes qui se donnent corps et âmes pour booster ce secteur. Au Burkina Faso, Valérie KABORE fait partie de ces professionnels qui ne ménagent aucun effort pour développer des stratégiques innovantes dans le domaine cinématographique. Dans cette interview accordée à la rédaction ifaso.net le 28 février dernier, elle explique, sans langue de bois, son succès dans ce métier. 

Ifaso.net : Selon les informations recueillies, auprès de nos confrères de Fasozine, vous avez nourri l’intention de devenir journaliste. Mais par la force des choses vous avez opté pour le septième art, racontez-nous comment cela s’est-il passé ?  

Valérie KABORE : Effectivement, très jeune j’étais plutôt attirée par le métier de journalisme. Après mon baccalauréat j’ai été orientée en lettre moderne. Puis j’ai fait le test de l’INAFEC (Institut Africain D’Etudes Cinématographiques) et j’étais admise, mais je crois que comme il y avait un tronc commun, vous savez qu’il y a des conseillers pédagogiques. De par ma manière de bouger sur le terrain et par mon habilité technique, on m’a conseillé de m’orienter en cinéma parce que j’étais plus apte à cela. Vous savez que le journalisme, demande une certaine aisance dans la prise de parole, alors que je suis plus apte dans l’action que dans l’expression. Ainsi, ils ont dû repérer en moi justement quelqu’un qui peut faire ce travail d’endurance qui est le travail de cinéma et surtout côté créatif, je l’étais. Je ne regrette pas du tout cette orientation parce que c’est un métier que je qualifie de noble parce qu’il vous permet de vous exprimer sur plusieurs dimensions.

Ifaso.net : Déjà à l’âge de vingt-cinq ans, vous avez créé Média2000, votre agence de communication et de production, pourrait-on avoir plus d’information sur les débuts de votre aventure?

Valérie KABORE : Tout à fait, ma vie professionnelle a ‘’volé’’ un peu ma jeunesse parce que je me suis sentie utile à moi-même et utile à ma société. A l’époque, j’ai servi de modèle et je crois que jusqu’à présent, je n’ai pas encore saturé la curiosité de ceux qui m’apprécient et qui ont envie de faire comme moi. Quand j’ai fini ma formation en cinéma, j’avais bien peur pour l’engagement que j’avais signé parce que l’Etat nous avait demandé de signer des engagements pour pouvoir bénéficier de la bourse pour aller en France. Et quand je suis revenue, si les textes étaient appliqués, je me devais de travailler à la fonction publique pendant dix(10) ans, mais ma chance était que la Banque Mondiale avait demandé à certains Etats dont le Burkina, d’ouvrir certains secteurs au privé dont la communication. C’était le Programme d’Ajustement Structurel (PAS) et comme  je ne rêvais déjà pas de rester dans un bureau dans l’administration, j’ai saisi l’occasion et je pense que je fais partir des premières agences.

Ifaso.net : Par la suite, vous avez traversé de dures épreuves avec l’incendie de vos locaux, pouvez-vous nous parler de cela ?

Valérie KABORE: La vie d’une structure est exactement comparable à celle d’un être humain. Vous montez une société, vous la voyez grandir, elle peut fléchir comme quelqu’un qui tombe malade; l’essentiel est de trouver des stratégies pour rebondir.
Effectivement nous avons traversé un certain nombre d’épreuves, mais qui n’ont pas freiné du tout notre élan. Je crois que ce qu’on a vécu au-delà de ce qui a été spectaculaire c’est plutôt la crise économique elle-même dans le secteur. Cela nous a même touché plus que l’incendie ou les cambriolages que nous avons connus. L’incendie est un fait mais il ne nous a pas empêché de continuer. Nous sommes en train de suivre le dossier en menant une contre-expertise pour prouver  que la responsabilité doit se situer entre le propriétaire du bâtiment et la SONABEL. On ne faisait pas de la cuisine dans l’appartement, on n’a pas fumé non plus de cigarette ; mais d’où vient le feu ? Cela veut dire forcement que c’est une source électrique. Maintenant est-ce la responsabilité de celui qui a fait l’installation du bâtiment ou la SONABEL ?  On va départager afin de situer les responsabilités par rapport à une nouvelle enquête qui est en train d’être menée. Quand vous construisez un projet comme une radio qui vole en fumée du jour au lendemain, il y a une douleur que vous ne pouvez pas expliquer aux gens. Pas parce que vous avez perdu le matériel, il y a cet aspect  de création, tout le concept ; ces contenus qui ont disparu, on ne peut pas les constituer.

Ifaso.net : Comment arrivez-vous à combiner le métier de cinéaste à celui de communicatrice ?

Valérie KABORE: Nous avons été formés comme des personnes polyvalentes à l’époque, parce que les corps de métier n’étaient pas aussi bien définis comme à l’heure actuelle. A l’époque, on était formé à la communication ou au cinéma mais selon votre aptitude, vous pouvez vous orientez  à ce qui vous réussit. Comme nous étions les pionniers, je trouve qu’il est plutôt une richesse, parce qu’on  l’a étudiée en classe et on l’a appliquée sur le terrain.
Celui qui vient dans la communication pour avoir un esprit de fonctionnaire à ce siècle de la communication n’a pas encore compris. Je crois qu’avec le secteur privé, on s’exprime mieux, on conseille les gens. Nous sommes une agence de conseil en communication et je fais de la création qui débouche sur des productions, donc c’est une richesse que je n’arrive pas souvent à qualifier parce que quand je fais un peu le point je trouve que c’est comme une bénédiction. On n’apprend pas forcement à créer à quelqu’un il faut l’avoir en soi. Maintenant si vous avez d’autres techniques cela vous permet d’aller plus loin.

Ifaso.net : Parmi vos productions, il y a la série « Ina », qui a beaucoup marqué les téléspectateurs de la Télévision Nationale. Dites-nous quel a été le secret de film ?

Valérie KABORE: « Ina » est une œuvre qui m’a demandé beaucoup de réflexions et d’investissements en temps et j’ai donné le maximum de moi-même et l’ensemble de l’équipe (ceux qui me conseillaient, ceux qui me soutenaient ou ceux qui ont contribué pour l’écriture). C’est comme certains musiciens, ils sortent un album, et puis dix ans après même s’ils font vingt autres, les gens se souviennent toujours du premier album et je crois que le  « secret de Ina » est parti de ce don. Quel que soit ce que je fais, je ne suis pas certaine de pouvoir rattraper encore ou égaler cette première expression en termes de production et de réalisation.

 

Ifaso.net : Parlez-nous succinctement de vos grandes réalisations dont on retient entre autres « Kado, la bonne à tout faire  et  Naitre fille en Afrique  en 1996, Les vrais faux jumeaux en 1997 , puis « Ina » en 2005.

Valérie KABORE: Bien avant la série « Ina », j’ai produit des œuvres sur la jeune fille. Il faut reconnaitre que la thématique de la jeune fille est une thématique qui m’interpelle. « CADO ou la bonne à tout faire » traitait  de la question des bonnes de maison, et « Les vrais faux jumeaux » mettaient en exergue une discrimination entre des jumeaux (fille et garçon) et la famille avait choisi en fait de mettre le garçon à l’école et la fille de s’occuper du ménage. Puis grâce à une maitresse elle a pu atteindre ses objectifs en faisant des cours du soir.
Ce sont plutôt des films engagés pour apporter ma petite contribution à l’ouverture de l’esprit de nos concitoyens. On ne doit pas orienter l’éducation d’un enfant selon le sexe donc c’était ainsi le message véhiculé pour contribuer à la promotion de la femme d’une manière générale.

Ifaso.net : Quelles sont vos sources de financement ? Et pour Ina par exemple, avez-vous eu un soutien quelconque ?

V. KABORE: Ce sont des sources de financement classiques.  C’est ce que nous appelons dans notre jargon « les guichets classiques » ; il y a la francophonie, le ministère des affaires étrangères, et aussi l’Union Européenne. Depuis que nous produisons, j’ai eu régulièrement droit à ces guichets. Pas parce qu’il y a un privilège particulier mais il y a des dossiers à monter. Et si on estime que votre dossier est bon et que le sujet est pertinent, vous recevez une subvention pour pouvoir réaliser votre œuvre. Après la production, vous avez ce qu’on appelle couramment la « batterie » c’est-à-dire vous finissez le produit et vous contactez peut-être une firme qui a envie de faire de la promotion sur les médias qui vous accompagnent pour la sortie du film. Donc c’est généralement les sources que nous avons utilisées. Aussi, nous sommes en train de développer de nouvelles stratégies pour réorienter nos activités et nos productions.

Ifaso.net : Quelles sont entre autres les stratégies qu’on peut retenir ?

 V. KABORE: De plus en plus vous savez que les partenaires internationaux se retirent un peu des financements. De même qu’au niveau du budget de l’Etat, alors je pense qu’il y a d’autres types  de réflexions qui sont menés pour trouver d’autres formes de financements. Au niveau de Média 2000, nous avons pensé d’abord à créer des infrastructures qui vont servir à nos propres productions et qui pourrons servir à nos « concurrents ». De concurrence, je ne pense pas vraiment que les agences soient en concurrence, sauf peut-être pour compétir pour un appel d’offre. Nous échouons rarement aux appels d’offres auxquels on postule. Mais c’est peut-être une force tranquille, la discrétion. A notre niveau, les dossiers sont gérés stratégiquement. On ambitionne également la création d’infrastructures, notamment d’un centre de production audiovisuel, avec des salles polyvalentes.

Ifaso.net : Le thème  de la 24e édition du FESPACO est « Cinéma africain production et diffusion à l’ère du numérique », qu’est-ce que cela peut apporter de nouveau par rapport aux précédentes éditions ?

V. KABORE: Le cinéma a fonctionné dans un autre format depuis ses débuts, il fallait produire en format 35 mm ou en 16 mm avec tout ce qu’il demandait comme outils complexes pour la diffusion et depuis l’arrivée du numérique cela été une grande révolution au niveau de la production parce que les budgets sont devenus moindres. Pour faire un film on n’a plus besoin de mobiliser des milliards qu’on ne peut pas obtenir auprès d’un bailleur. En faisant la comparaison de l’analogie au numérique c’est exactement comme la machine à taper classique et l’ordinateur. Sur une machine à taper si vous finissez la page, pour insérer un seul mot, il faut rependre sinon vous n’avez plus d’espace. Alors qu’avec l’ordinateur vous avez cette possibilité. C’est donc une grande révolution qui a apporté plus à la créativité et surtout un plus pour la disponibilité des différents produits. Produire en période de crise en numérique ne peut qu’être bénéfique pour nos types de pays qui ont déjà du mal à nous accompagner par rapport à la cherté de notre métier. Pour la diffusion, avec un vidéo projecteur, aujourd’hui vous pouvez diffuser votre film dans n’importe quelle contrée.

Ifaso.net : Cela fait quand même un bout de temps que le Burkina n’a pas remporté l’Etalon d’or de Yennega. Selon vous, quel pourrait être le nerf du problème ?

V. KABORE: Je ne peux pas dire qu’on n’a pas une bonne politique. Mais en création si vous voulez être productif, si vous voulez faire un certain nombre de conceptions il ne faut pas avoir des problèmes, il ne faut pas être acculé par des problèmes financiers. Alors que l’organisation de notre Cinéma nous oblige à être des hommes orchestres. Mais il n’y a pas de mécanisme de financement au niveau local et cela tue la créativité. L’objectif du festival n’est pas de primer des Burkinabè mais de permettre au 7e art d’exister. Le souhait c’est de voir le trophée revenir à un Burkinabè, exactement comme pendant la CAN tout le monde a envie que son pays remporte.  

 

Ifaso.net : En guise de conclusion, quels sont vos différents projets à court, moyen et long terme ?

V. KABORE: Le principal projet est la réflexion sur une création d’infrastructure qui pourra servir pour nous et pour les autres maisons de production. Mais ça sera peut-être long à réaliser. Toutefois, cela ne m’empêchera pas de continuer mes productions.
Pour finir, je souhaite un plein succès à ceux qui sont en compétition quelle que soit la section et beaucoup de chances à ceux qui souhaitent en avoir. J’encourage également les autorités à nous soutenir parce que c’est un art qui permet au Burkina Faso d’être, pendant une semaine, sur tous les petits écrans de l’Afrique et du monde entier.

Propos recueillis par KM  et O. N

ifaso.net

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