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Test de paternité au Burkina : La région de l’Est classée deuxième en demande!

Docteur Seimbou Zalla, pharmacien Hémobiologiste est le directeur de la qualité des vigilances au Centre National de la Transfusion Sanguine à Ouagadougou. Dans cet entretien, Dr Zalla aborde, entre autres, les conditions de la réalisation du test d’ADN, sa fiabilité et les différents cas qui l’ont édifié.

Infowakat.net : Quelles sont les conditions de recherche de paternité au Burkina Faso et comment cela se passe t-il ?

Docteur Seimbou Zalla (S.Z.): Pour ce qui est des recherches de paternité, dans notre pays, on ne peut les réaliser que sur ordonnance de la justice. Parce que ce sont des situations souvent conflictuelles entre un père présumé et sa femme. Il faut forcément une ordonnance judicaire. On ne vient pas ici croyant faire un simple examen ou sur la prescription d’un médecin, ce n’est pas possible. Toute personne doit d’abord passer par la justice, un juge ou un magistrat, qui sera obligé de lui établir une ordonnance avant d’arriver à notre niveau. C’est au vue de l’ordonnance judiciaire que nous réalisons l’analyse. Puis on communique les modalités aux intéressés. Le jour du prélèvement, on ne prélève que si toutes les parties concernées en conflit sont présentes.

Infowakat.net : Concrètement, est-ce qu’à votre niveau vous réalisez le test ADN?

S.Z. : Actuellement on ne le réalise pas chez nous. On travaille avec d’autres partenaires, d’autres laboratoires à l’extérieur de notre pays notamment en France à Nantes. Ce sont eux qui réalisent pour nous. Ici on fait les prélèvements salivaires et on envoie à ces laboratoires qui vont les réaliser et nous renvoyer les résultats. Les résultats doivent être envoyés directement sous plis fermés à la justice. Ce n’est pas aux intéressés directement qu’on remet les résultats.

On a une autre technique sur les groupes sanguins qu’on réalise au Burkina Faso, le test d’exclusion de paternité. C’est un test qui ne permet pas de confirmer la paternité mais ça permet d’exclure. Si l’enfant à un gène que le père n’en a pas, c’est sûr que ce n’est pas lui qui a transmis mais une autre personne. Ce test permet d’exclure mais ne confirme pas. Autrement dit, si quelqu’un n’a pas les mêmes gènes que l’enfant, via ce test, on peut dire ce n’est pas lui le père avec une certaine assurance. Mais si les gènes se ressemblent, on recommande le test d’ADN. Les juges conseillent de faire directement le test d’ADN parce que les résultats sont sans appel.

Infowakat.net : Donc il revient nécessairement à la justice de se prononcer ouvertement sur les résultats…

S.Z. : Tout à fait ! C’est la justice qui va ouvrir les plis et faire appel aux intéressés. Elle lit le contenu devant eux et décide sur cette base. Parce que la justice sait qu’elle ne pouvait pas se prononcer sans avoir des résultats biologiques fiables qui puissent lui permettre de dire, donner sa position. Comme eux-mêmes ils aiment à le dire, « d’éclairer sa religion ».

Infowakat.net : Peut-on avoir une idée sur le coût de la réalisation du Test d’ADN et celui du test d’exclusion de paternité ?

S.Z. : Le coût au niveau du Centre National de Transfusion Sanguine pour deux personnes, c’est 560 000 F CFA. Il se réalise chez le père présumé et l’enfant avec la comparaison des gènes des deux. Si après, on constate qu’il y a deux pères ou trois pères présumés, le coût est de 280 000 F CFA par personne. Et ce, en fonction du nombre des pères présumés et aussi en fonction du nombre d’enfants. Par contre, le test d’exclusion de paternité se concrétise à 37 500 F CFA par personne.

Infowakat.net : On dit souvent que seule la fille ou la femme connaît le père de son enfant. Scientifiquement parlant, cette assertion est-elle authentique ?

S.Z. : C’est un peu difficile. On peu le croire comme ça mais c’est un peu difficile. Pour une fille qui est sortie avec plusieurs garçons dans la même période, cette assertion ne marche pas toujours. Parce qu’on regarde la période de conception de l’enfant à partir donc de la date de naissance de ce dernier. Si toutefois elle a eu des rapports sexuels pendant cette période avec assez de gens, c’est eux tous qui sont probablement impliqués. Donc elle ne peut pas en savoir précisément l’auteur sur ce point. Même la ressemblance de l’enfant n’est pas toujours évidente et n’est pas un motif de confirmation. Il faut vraiment des tests scientifiques fiables qui puissent vraiment en déterminer. C’est pour dire qu’on ne peut pas se baser sur la ressemblance pour départager les gens aujourd’hui. Elle ne fait pas parti des éléments, des critères sur lesquels on analyse. Nous analysons que sur les critères biologiques.

Infowakat.net : Vous avez certainement duré dans ce domaine et traitez assez de cas. Alors dites-nous, les cas qui vous ont beaucoup plus édifié ou marqué en d’autres termes ?

S.Z. : Les cas qui nous ont marqué ici (soupirs). Par exemple on a vu des filles qui ont amené deux pères présumés pour leur enfant. Et quand on a réalisé les examens on a vu que ce n’était pas eux. Les deux étaient exclus. Ensuite, même une troisième autre non plus. Elle a pu amener d’autres personnes encore parmi lesquelles on a trouvé le père à travers le test d’ADN. C’est dire que le vrai père ne se trouvait pas parmi tous ceux qu’elle avait amené au début.

Il y a des filles qui viennent ici, qui disent à leur mec qu’elles ne sortent qu’avec lui uniquement. Mais quand le résultat vient et que c’est différent de ce qu’elle espérait, vous allez voir qu’elle va amener quelqu’un d’autre. Il y a également ceux qui viennent très âgés, trente ans ou plus qui sont toujours à la recherche de leur père.

Infowakat.net : Pour le cas de ces personnes âgées, cela peut être dû à quoi, selon vous ?

S.Z. : On ne peut pas savoir le fond mais il y a des rumeurs qui circulent. On ne sait s’il y a une question d’héritage derrière, on ne sait pas. Aussi, il y a des situations où les parents se sont séparés très longtemps. Souvent ils ont vécu en Côte d’Ivoire après ils sont rentrés et il y a eu perte de vue. Toutes ces situations sont arrivées où l’enfant contrarié cherche son père. Ses proches peuvent lui désigner un père, n’étant pas convaincu, il fait le test pour en être sûr. Si toutefois c’est confirmé, il verra comment changer son acte de naissance pour porter le nom du vrai père.

Infowakat.net : Une idée sur le nombre dossier que vous recevez par an ?

S.Z. : Vraiment, nous n’avons pas dénombré mais nous recevons plus de deux cents dossiers par an. Je suis ici depuis 2016 et les classeurs de l’année passée sont volumineux. Chaque année, on constate une évolution. Puisque tous les tribunaux du Burkina nous envoie des ordonnances avec Ouagadougou en tête suivie de la région de l’Est. Quand vous prenez la zone de l’Est par exemple, il y a toujours des enlèvements des femmes. Ce qui fait que finalement on ne sait pas à qui appartient l’enfant. Il y a eu des cas où on a enlevé une fille à trois reprises. C’est dire qu’un garçon l’enlève, il amène chez lui. Entre temps un autre garçon enlève la même femme. Quand cela arrive et qu’on constate la grossesse, finalement on ne sait qui en est l’auteur. Donc, il faut voir les trois. Beaucoup d’ordonnances viennent de l’Est et généralement trois à quatre pères se présentent devant nous pour le test d’ADN.

Infowakat.net : Peut-on confirmer la fiabilité du test d’ADN à cent pour cent ?

S.Z. : Pour le test d’ADN, on peut dire que le test est à cent pour cent fiable. Et comme on est en science et que l’erreur existe toujours, l’erreur est inhérente à toute chose, souvent on met le résultat à 99, 99%/. Mais le résultat reste 100% pour le test d’ADN.

Infowakat.net : Y a-t-il des difficultés que vous rencontrées ?

S.Z. : Nous n’avons pas des difficultés particulières. Mais ce qu’on constate, c’est qu’il y a beaucoup de gens qui viennent ici et qui n’ont pas les moyens. Vous voyez tous ces ordonnances (nous montrant un tas de dossiers superposés), non réalisées. Ils sont venus les déposer et la justice leur a sommé trois mois où six mois mais comme ils n’ont pas l’argent, ils ont disparu. Ce sont des ordonnances de 2021. Vous allez voir, certains concernés vont revenir soit l’année prochaine, dans deux ou trois ans. On a toujours des ordonnances des années antérieures. Ceux qui ont l’argent viennent réaliser pour eux et ceux qui n’en n’ont pas, attendent. Le jour qu’ils auront les moyens financiers ils reviennent le faire.

Infowakat.net : Si le délai escompté arrive, la justice déclasse-t-elle l’affaire ? Que faites-vous dans ce cas ?

S.Z. : Par exemple si le délai de trois mois arrive, normalement nous, on devrait répondre à la justice pour leur dire que l’intéressé n’a pas l’argent pour payer. Et que par conséquent, il n’a pas pu réaliser l’examen. C’est tout ! Parce qu’apparemment la justice n’a pas trop de moyen de pression sur les gens. Puisque la personne n’a pas les moyens. A moins que la justice paye !

Infowakat.net : Voulez-vous dire que la justice a un orifice financier par lequel elle peut aider ceux qui éprouvent des difficultés pécuniaires dans la réalisation de leur test d’ADN ?

S.Z. : Oui, la justice a une assistance judiciaire qui essaie d’aider les gens à payer. Mais tout le monde n’est pas informé de cela. Ceux qui sont informés déposent une demande au niveau de l’assistance judiciaire. Il y a une commission qui siège si elle marque son accord, la justice va payer pour la personne. Malheureusement la grande majorité n’est pas au courant. Il faut rappeler que c’est une aide de l’Etat pour ces personnes en tenant compte de l’intérêt de l’enfant.

Infowakat.net : Pour terminer…

S.Z. : Ce que nous pensons ici, d’abord il faut comprendre le phénomène. C’est un phonème sociologique. Et nous souhaitons que quelqu’un se mette sur le dossier pour au moins étudier cet aspect sociologique. Pourquoi cela arrive couramment ? Pourquoi certains refusent également la paternité ? Et pourquoi les filles tiennent forcement à ce que le père soit connu. Parce que dans d’autres pays, la fille a son enfant et elle ne va pas chercher forcement le père si ce dernier ne veut pas. Mais ici les gens cherchent forcement à avoir un père à leur enfant. Ce sont des chosent qu’il faut chercher à comprendre.

Interview réalisée par Youssouf KABDAOGO
Infowakat.net

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1 commentaire

Traoré 1 octobre 2021 at 14 h 25 min

Pas simple…Plus de sensibilisation des populations s’impose et vous les médias avez un grand rôle à jouer dans ce sens.

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