Les prix des facteurs de production agricoles ont augmenté de façon spectaculaire sur le marché mondial depuis le début de la crise Ukraine-Russie. Le Burkina Faso n’est pas à l’abri de cette hausse des prix, qui s’ajoute à celle déjà observée dans les marchés locaux pour les produits de première nécessité. Pour permettre aux agriculteurs de bénéficier des intrants agricoles, l’Etat Burkinabè dit avoir mobilisé 27 mille tonnes d’engrais subventionnés à 12 mille F CFA en mai dernier. Pourtant, les agriculteurs que nous avons rencontrés sur le terrain dénoncent le déficit et l’arrivée tardive des engrais. De la région du Plateau Central à celle du Centre Ouest, ils ont pratiquement les mêmes difficultés.
Depuis quelques mois, les prix des engrais ont doublé voire tripler sur les marchés, au point de décourager les agriculteurs. Très vite, le monde agricole attend une réaction de l’État pour soulager leur situation. Ainsi, les autorités du pays ont promis 27 mille tonnes d’engrais subventionnés à 12 mille F CFA le sac au profit des agriculteurs à cette campagne agricole 2022-2023.
Le mardi 28 juin 2022, pendant que nous étions en tournée dans les campagnes pour s’assurer de la disponibilité des engrais dans certaines régions, les cadres du ministère en charge de l’agriculture ont animé une conférence de presse. Il était question de parler de la distribution des engrais dans certaines localités sans apporter des précisions quelconques.
« Nous avons environ 27 000 tonnes d’engrais qui sont en train d’être acheminés au niveau des régions. C’est des acquisitions à prix subventionnés et la principale cible, ce sont les producteurs à faibles revenus », a expliqué Victor Bonogo, secrétaire général du ministère, par ailleurs président du comité technique du conseil national de sécurité alimentaire (CT-CNSA).
Ainsi, le sac de 50kg du MPK et de l’urée est à 12 000 FCFA ; les kits de semences sont à 1000f le kit. Les engrais non subventionnés, eux, sont au prix de 35 000 FCFA le sac.
Pourtant, à la date du lundi 27 juin 2022, les producteurs de Nagréongo, dans la région du Plateau Central n’avaient toujours pas bénéficié des engrais. « Nous n’avons pas encore bénéficié d’engrais. La distribution n’a pas commencé dans notre commune », a laissé entendre Paul Ouédraogo, président de l’Union des producteurs et semenciers de Nagréongo. Par contre, il nous apprend que les semences, d’une quantité insuffisante, sont arrivées avec un retard considérable.
À Songpélcé, une autre commune du Plateau Central, Amado Sebgo, président de l’Union régionale des producteurs semenciers de Ziniaré (URPS) a affirmé que sa région « n’a pas officiellement reçu des intrants agricoles promis par le gouvernement ». Caressant fièrement sa barbichette, il ajoute que « la plupart des spéculations ont besoin d’engrais 15 jours après la semence ».
Dans la région du Centre-Ouest, des agriculteurs sont confrontés également au même problème. L’arrivée tardive des intrants agricoles subventionnés et leur quantité insuffisante. C’est le cas de Benjamin Ouédraogo, président de la coopérative des producteurs de maïs, rencontré ce mardi 28 juin 2022 à Imasgo dans le Boulkièmdé sur l’axe Koudougou-Yako. Cet agriculteur de maïs souligne que si dans 14 jours ils ne bénéficient pas les intrants, ce sera trop tard pour certaines spéculations.
Et Rita Pascaline Béré, animatrice à la Confédération paysanne du Faso de Ziniaré de confirmer que le plus souvent, les agriculteurs font face à l’arrivée tardive des semences et des engrais. Des propos soutenus par Sylvain Yaméogo, animateur à la Confédération paysanne du Faso (CPF) du côté de Koudougou.
La distribution électronique des intrants agricoles décriée
Le ministère de l’agriculture, pour assurer une gestion efficiente des appuis a mis en place un mécanisme de distribution électronique des intrants. Depuis 2018, l’approche développée dans ce mécanisme vise à améliorer le système d’approvisionnement et de distribution des engrais aux producteurs dans la transparence.
Ainsi, la distribution des appuis aux producteurs bénéficiaires s’opère à travers un système d’envoi des bons par message et de paiement par des téléphonies money.
Chaque producteur sélectionné reçoit par message un code-bon indiquant la quantité d’intrants ainsi que le montant à payer avant l’enlèvement de son kit. Pour rentrer en possession des intrants qui lui sont destinés, il se rend au magasin de distribution où il présente son code-bon bénéficiaire et son code de paiement au distributeur mandaté par le ministère de l’agriculture.
Si cette plateforme est admirée par des agriculteurs, ce n’est pas le cas à Tabou, une localité située dans la province de Sissili. Et c’est le Chef du village qui donne de la voix. Pour lui, cette mise en œuvre rencontre des difficultés objectives sur le terrain dans son village.
A l’entendre, le système connaît de nombreuses contraintes telles que le manque de réseau, la non-réception de messages par les bénéficiaires et les pannes d’appareils. « La majorité des producteurs ne savent ni lire ni écrire. Ils ont un souci pour décrypter les messages. Il en est de même du traditionnel problème de réseau électronique », a déploré le Chef assit sous un hangar entouré de quelques notables.
Il a jugé la plateforme inadaptée avant de demander à ce que le mécanisme de distribution soit revu. « Il faut revoir le mécanisme de distribution des intrants agricoles. Il serait mieux de revenir à l’ancienne méthode », a-t-il ajouté sans tabou.
Youssouf KABDAOGO
Infowakat.net
