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Burkina : « nous voulons être respectés dans le concert des Nations », dixit Roland Bayala

Dans cette interview, le porte-parole de la coalition des patriotes africains section Burkina Faso (COPA/BF), Roland Bayala, et ancien député de l’Assemblée législative de Transition (ALT), donne sa lecture du coup d’Etat survenu le 30 septembre 2022. Il donne également son appréciation sur la déclaration du Capitaine Ibrahim Traoré et jette un regard sur le partenariat du Burkina avec d’autres pays.

Infowakat.net : Le président Paul-Henri Sandaogo Damiba a été renversé le 30 septembre dernier par le Capitaine Ibrahim Traoré se réclamant du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR). Selon vous, était-ce prévisible ce deuxième coup d’Etat, au regard de la situation nationale délétère 

Roland Bayala (R.B) : Oui on savait que quelque chose allait se passer d’autant plus que dans les différentes institutions, il y avait beaucoup de choses qui n’allaient pas. D’abord au niveau de l’ALT, nous nous avons estimé que les choses ne bougeaient pas. Or, sous cette transition de combat le peuple avait un défi et l’Armée Burkinabè avait aussi un défi à relever. Pourtant, nous avons dit clairement que l’ALT se devait d’être sur le terrain aux côtés des populations avec des stratégies qui allaient permettre de venir à bout très rapidement du terrorisme. Malheureusement, cela a été très lent. Au sein aussi du gouvernement, c’était la même chose. Il y avait les bruits du couloir qui faisaient entendre que les choses n’allaient pas et les gens ne parlaient pas d’une même voix. Sur le terrain c’était la même chose. Certaines personnes boycottaient des missions. En tant qu’activistes et parlementaires, le camarade Arouna Louré et moi avons, à plusieurs reprises, attiré l’attention et du côté du gouvernement en la personne de l’ancien Chef de l’Etat. Nous avons échangé avec Damiba pour l’alerter. Nous avons aussi échangé avec certains ministres. Et même au sein de l’ALT, nous avons alerté nos ainés. En fin de compte, on nous a pris comme des extrémistes, des parias. Donc nous avons aussi décidé de regarder la situation et comme ça n’allait pas, en réalité le coup était prévisible.

Infowakat.net : Le coup d’Etat du Capitaine Traoré a été accueilli en liesse par certains citoyens. Que faut-il comprendre à travers ces manifestations de joie ?

R.B. : Je le disais, lorsque nous avons été enfermés sous le régime de Roch Kaboré, que le peuple Africain et Burkinabè en particulier aspirait à un changement de partenaire. Les gens n’ont pas écouté et malheureusement Damiba aussi. C’est ce que le Capitaine a bien cerné, lorsqu’ils sont arrivés le 30 septembre. Pour pouvoir mobiliser la population, ils ont décidé de communiquer autour de cette question. Ils ont dit qu’ils sont venus pour une révolution, ils sont venus pour changer le partenaire. Il y a eu des expressions qui ont été lancées permettant à la population de se retrouver dans ce combat. Séance tenante, les jeunes, les vieux, chacun s’est vu dans un nouveau gouvernement de révolution. C’est ce qui a donné cette mobilisation. Et toute la population s’est retrouvée derrière le Capitaine Traoré. De l’autre côté aussi n’oubliez pas qu’il y avait cette frustration du côté de la France en la personne de l’Ambassadeur Luc Hallade qui a, à plusieurs reprises, manqué du respect à la jeunesse Burkinabè. Il a été interpellé. Et là aussi, c’était une occasion donnée à la population d’en découdre définitivement avec l’Ambassade de la France. Et vous voyez le résultat sur le terrain.

Infowakat.net : Etes-vous de ceux-là qui ont manifesté la leur ?

R.B. : Je n’ai pas manifesté ma joie du fait qu’un Burkinabè puisse sauter un autre Burkinabè. J’ai manifesté ma joie parce que tout simplement, ce à quoi la population aspirait dans sa majorité c’est-à-dire changement de partenariat, un gouvernement de révolution, une union sacrée avec les peuples Maliens, Nigériens, etc. C’est pour cela effectivement ma joie et je ne pouvais la retenir à la maison. J’étais obligé de sortir manifester cette joie avec le camarade Arouna Louré.

Infowakat.net : Le Capitaine Ibrahim Traoré a parlé d’une concertation avec les forces vives de la nation pour désigner un nouveau président de la transition qui pourrait être militaire ou civil. Quelle lecture faites-vous de cette proposition ?

R.B. : Je pense que c’est une proposition qui est vraiment sage. Parce que ç’aurait été quelqu’un, il va dire j’ai fait mon coup et je reste à la tête. Il a ouvert la voie à des débats qui vont donner lieu effectivement à un président du choix de la population. Mais, sincèrement, de mon point de vue personnel, la question ne se trouve pas entre civil ou militaire. La question se trouve au niveau de la qualité de l’homme pour conduire. Et en termes de qualité, on peut avoir un civil qui soit de qualité comme on peut avoir un militaire qui soit de qualité. On peut avoir une personne âgée qui soit de qualité comme on peut avoir aussi un jeune qui soit de qualité. À mon niveau, je trouve que le débat ne se trouve pas là. Contrairement à certains qui disent qu’on est fatigué de l’Armée souhaitant la voir repartir dans les casernes. Quand je regarde le Mali, la Guinée, je trouve qu’en réalité c’est un débat dans lequel il ne faut pas forcement se lancer.

Infowakat.net : Avez-vous un choix à faire entre un président militaire ou civil pour la conduite de cette transition ?

R.B. : De façon générale, la constitution prévoit qu’un militaire doit aller au front pour défendre. Et celui qui doit gouverner c’est un civil. Mais aujourd’hui nous sommes dans une situation critique. Il nous faut quelqu’un qui n’a peur de rien, qui pourrait effectivement taper du poing sur la table. Donc, moi je vois un militaire franchement pour la transition qui va asseoir une dynamique. Après cela, il organise des élections et laisser le pouvoir à un civil. Voilà comment je vois les choses. On n’a pas besoin forcement de tirer trop sur la corde.

Infowakat.net : Des gens disent que personne ne sera président sans la volonté du peuple Burkinabè. Déjà, on a l’impression que c’est le Capitaine Ibrahim Traoré qui est le choix du peuple notamment la jeunesse pour conduire la transition. Le choix d’une autre personne ne risque-t-il pas de poser de problème ?

R.B. : Pour peser les choses, il y a les voies de la presse. Il y a des consultations au niveau des différentes forces vives. Donc très rapidement, on peut aller dans ce sens, échanger avec les gens et faire la part des choses aux assises. Je trouve que la question ne va pas réellement se poser sauf s’il y a une mauvaise volonté en bas ou des velléités de vouloir positionner des gens dans les différents camps. Ou chacun dans son camp qui aspire mettre un de ses éléments à la place. Si tout le monde pense à la Nation, la question militaire et civil ne doit pas se poser. La question ici c’est de faire les choses très vite et très bien pour venir en aide à nos populations qui meurent sous le joug du terrorisme.

Infowakat.net : Quelle appréciation faites-vous de la déclaration du Capitaine Traoré parlant de la diversification des partenaires?

R.B. : Je pense que c’est ce que le président Damiba avait dit en son temps. Il avait dit qu’il allait diversifier les partenariats. Sauf qu’il a manqué quelque chose. Et cette chose c’est de dire, qu’il va mettre la France à sa place. Dire à la France que c’est elle qui est complice et responsable d’avoir mis le Burkina dans le chaos. C’est ce qui a manqué. Lorsque le Capitaine Traoré est venu, il a dit qu’il va diversifier les partenariats et travailler avec les partenaires qui les arrangent. Cela sous-entend qu’il y a eu des partenaires avec qui on a travaillé de façon historique qui n’étaient pas dynamique. S’il dit qu’on va travailler avec des partenaires dynamiques, cela veut dire qu’on va aller vers les partenaires tel que la Russie et autres.

Infowakat.net : Lors de ces deniers évènements, des drapeaux russes ont été brandis de part et d’autres par les manifestations. En quoi la Russie est-elle attirante pour les Burkinabè ?

R.B. : D’abord il faut qu’on fasse une nuance. Nous avons vu la Russie comme étant un Etat opérationnel. Le partenariat que nous demandons, par exemple, avec la Russie, ce n’est pas un partenariat historique où la Russie est en haut et nous sommes en bas. Non ! C’est un partenariat gagnant-gagnant qu’il faut. Si la Russie ne nous arrange pas, on va la laisser. C’est clair ! Maintenant, pourquoi le choix des gens s’est tourné vers la Russie ? Premièrement, parce que notre partenaire, la France, est restée depuis les indépendances jusqu’aujourd’hui sans être en mesure d’apporter des réponses dans la lutte contre le terrorisme. Ils sont encore incapables de pouvoir nous donner des armes qu’il faut. Incapable de pouvoir nous fournir de renseignements alors qu’ils sont bien outillés. Je pense que c’est une mauvaise foi. Par contre, la Russie a travaillé avec l’Algérie. Grâce à elle, la flotte Algérienne, aujourd’hui, fait partie de l’une des meilleures au Monde. Le terrorisme y était installé mais ce n’est que des souvenirs. Quand vous prenez la Centrafrique, l’histoire de ce pays a montré qu’au moment où des groupes rebelles qui voulaient prendre la capitale, ils ont fait appel à la France. Malheureusement cela n’a pas été le cas. C’est l’ambassadeur de la Russie à l’époque qui a accepté passer l’information au Président Vladimir qui, rapidement, a donné des armes. Aujourd’hui, la Centrafrique s’en sort tout comme le Mali voisin. Regarder le nombre de territoire qu’ils ont pu reconquérir. Et il y a une communion parfaite entre les autorités et la population. Quel pays en voyant cela ne va pas accepter se tourner vers la Russie. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, la Russie reste le meilleur choix. Mais ce choix doit être gagnant-gagnant.

Deuxièmement, qu’est-ce qu’elle a apporté dans le développement de notre pays ? La question du F CFA est une réalité qui nous fait perdre beaucoup de choses. Quand vous prenez les différentes administrations, les appels d’offres, on se rend compte que la France occupe tout le terrain. Cela amène les gens à réfléchir. Depuis des années nous sommes avec un partenaires qui se dit privilégier mais par contre, c’est lui qui gagne mais nous ne gagnons rien. Nous sombrons toujours.

Infowakat.net : Les Etats-Unis ont mis en garde le Burkina Faso contre les risques d’une alliance avec la Russie, dont le groupe paramilitaire Wagner a témoigné d’un franc soutien au Capitaine Ibrahim Traoré. En tant que citoyen qui souhaite voir son pays tisser des relations avec d’autres Nations, le pays de l’oncle Sam et alliés méritent votre réponse.

R.B. : Je devais monter sur Afrique média hier (NDRL jeudi) sur cette question malheureusement j’étais à une rencontre quand on m’a touché. Aujourd’hui, il faut que ces puissances comprennent une seule chose. Même si nous sommes un petit pays comme ils le pensent, nous ne sommes pas des esclaves de quelqu’un. Et chaque gouvernant doit le comprendre. Aussi petit soit-il, nous n’avons pas besoin qu’on nous donne des ordres et que les Etats-Unis mettent ça dans leur tête une fois pour toute. En termes de coopération, c’est ce qui nous arrange que nous devons faire. Et non entendre des menaces de la part de quiconque. Même si la Russie nous menace aujourd’hui, nous allons sortir protester pour leur faire comprendre que nous sommes un Etat souverain. Depuis 1960, même si c’est une souveraineté voilée qu’ils nous donnent, aujourd’hui, la jeunesse Africaine a acquis sa souveraineté dans la rue. Chaque sortie, nous savons aussi que des Etats vont nous soutenir. Donc, que les Etats-Unis disent ce qu’ils veulent c’est leur problème. Nous disons au Capitaine Traoré de ne plus jouer à ce jeu avec une puissance colonialiste quelconque. Ceux qui veulent menacer qu’il les laisse dans les menaces. Nous sommes prêts à souffrir avec nos autorités. Nous sommes prêts à souffrir avec le peuple Burkinabè pour qu’enfin, nous soyons respectés dans le concert des Nations. Toutes ces menaces, ce ne sont que des faits divers. On regarde cela comme le chien aboie la caravane passe.

Infowakat.net : Un méditatif Burkinabè disait, je cite : « Il n’y a pas une autre voie pour le Burkina que celle tracée par Thomas Sankara ». Quel commentaire faites-vous de cette assertion ?

R.B. : Je prends pour exemple les différends régimes qui se sont succédé après Thomas Sankara, n’ont pas fait long feu. Blaise Compaoré qui l’a renversé, a fait 27 ans, imposant une dictature au Burkina en s’en prenant aux opposants. Après lui, tous ceux qui ont pris n’ont pas durer. Ça n’a pas duré parce qu’on a un autre type de population. Pendant 27 ans, il a oublié qu’il y avait une nouvelle génération de Burkinabè qui n’était plus la génération de leur temps. C’est une génération réseaux sociaux qui suit l’actualité de bout en bout. Ce qui se passe à New York ou au Kremlin, le Burkinabè qui est dans le fin du pays, à falagountou (Dori), a les informations à la seconde qui suit. En termes d’information, nous sommes au même niveau. En même temps, c’est la même conscience populaire qui se dégage aujourd’hui. Donc, pour dire que, tout ce qui s’était passé avant ne peut plus se répéter au Burkina Faso.

Infowakat.net : Le capitaine Ibrahim Traoré assure désormais officiellement les fonctions de chef de l’Etat Burkinabè suite à l’adoption mercredi soir d’un acte fondamental qui a rétabli la Constitution. Des conseils à l’endroit du nouveau Président intérimaire pour les principaux défis à relever.

R.B. : Moi je souhaiterais qu’il gouverne en tant que révolutionnaire. S’il prend la voie de la révolution, il va réussir. Mais s’il ne prend pas la voie de la révolution, s’il veut faire des choses tel que Damiba a voulu le faire, en voulant écouter Alassane Ouattara, en voulant écouter Washington, en voulant écouter la CEDEAO, en voulant forcement faire leur volonté je pense que ce n’est que l’échec garanti. Mais s’il écoute la voix de la révolution, au Burkina Faso tout le monde est révolutionnaire, tout le monde est Sankariste et Dieu va l’accompagner. Même si on va nous couper des vivres, même si on va nous couper tout, je pense qu’on va réussir. On aura notre dignité. Quand un homme aspire à une dignité quelconque, il réussit. Qu’il ne s’amuse pas à vouloir prendre une autre voie que celle révolutionnaire tracée par Thomas Sankara. Et Dieu fera le reste. Que Dieu puisse vraiment l’accompagner, lui permettre encore d’être plus sage pour voir et entendre le cri de cœur de sa population.

Infowakat.net : En définitive, êtes-vous pour ou contre l’abrogation de l’ALT ?

R.B. : En réalité, je ne sais pas ce que l’ALT a eu comme souci. On a choisi des forces vives, qui ont bénéficié de formations, de venir faire le travail. Il y a un coup qui a été fait et ce n’est pas un élément de l’ALT qui l’a fait mais c’est entre eux les militaires. Aujourd’hui, je pense que l’ALT a son sens dans la démocratie. Il s’agit de contrôler l’action gouvernementale, de voter des lois, d’aller sur le terrain pour voir ce qui se passe et mesurer tous ces enjeux. S’ils estiment qu’ils vont gouverner par ordonnance, libre à eux, que Dieu les accompagne. S’ils estiment aussi que sur le plan de la démocratie, il y a des institutions à ramener, que Dieu aussi les accompagne dans ça. À eux de voir, ils ont les manettes du pouvoir, de faire ce qui semble bien pour eux.

Interview réalisée par
Youssouf KABDAOGO
Infowakat.net

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