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‘’Zida ne va plus au zoo’’ : « Je ne m’attendais pas à un tel succès », Sa Majesté Askoy

Sa Majesté Askoy

Sa Majesté Askoy est sans conteste le rappeur du moment au Burkina Faso. Sa chanson phare ‘’Zida ne va plus au zoo’’ est très bien connue et appréciée de beaucoup de Burkinabè. Au cours d’un entretien qu’il nous a accordé, il confie qu’il s’est fait surprendre par le succès du morceau. Ce rappeur moréphone estime par ailleurs que le Rap, c’est avant tout un message.

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je suis Assane Hussein Kaboré.

Parlez-nous de vos débuts dans le Rap Game

Sans vous mentir, c’est difficile de dire quand j’ai commencé à rapper, parce que j’ai grandi avec le rap. Mon père même n’écoutait que du Rap. A l’époque, c’était un style vraiment peu connu au Burkina. Ce sont des morceaux du genre « 1er gaou » qui cartonnaient. Il n’y avait même pas encore de rappeur ici. Mais papa se débrouillait pour avoir des albums de rap américain et français. Les dimanches, il écoutait la musique à longueur de journée. Il écoutait tout le temps le même genre musical et je me demandais quel est ce genre de musique, puisqu’il n’y a qu’avec lui que j’entendais cette musique. Donc j’étais obligé en quelque sorte de n’écouter que ce style sans même pouvoir distinguer les artistes, encore moins leurs paroles. C’est ainsi que j’ai connu NTM, Ministère Amer, Passy, Doc Gynéco. Et après il m’a envoyé du 2Pac, du Biggy… Franchement j’avais mal aux oreilles et je me demandais pourquoi les gars parlent et crient au lieu de chanter comme Magic System par exemple. Mais après je me suis habitué et j’étais tellement plongé dedans qu’à un certain moment, je payais moi-même les cassettes de rap. Je me rappelle avoir acheté la cassette de Passy en 1999 et beaucoup d’autres cassettes. En 2000, j’ai fait mes 1ers pas dans le rap en recopiant les textes de MC Solar, NTM et je m’exerçais. En 2001, j’ai commencé à gratter mes propres textes. On entendait maintenant une nouvelle vague de rappeurs comme OBC et autres. Donc on s’est dit qu’on pouvait le faire aussi. On a vite formé un groupe à trois : Version H. On a osé même s’inscrire à des compétitions de rap. On a pris part à ces compétions pendant 2 ans. En 2004, le groupe s’est réduit à 2 membres et on a changé de nom : Disque dur. On a fait quelques scènes, quelques productions, les radios nous ont joués. A partir de 2006, j’ai décidé de poursuivre seul.

Pourquoi ?

Depuis l’époque, j’avais déjà une vision : faire une carrière dans le rap. Même étant gosse, c’est ce que j’ai toujours voulu faire. Et ça n’a pas changé.

Mais est-ce que continuer en groupe vous empêchait de réaliser votre vision ?

Non, mais je voulais trouver mes marques d’abord et me prouver que je pouvais le faire tout seul. En plus, on n’avait pas la même vision. Moi je pensais à une carrière tandis que lui il rappait juste pour rapper. Il n’y a pas eu de bagarre, on est resté potes. Alors pour commencer, j’ai enregistré une mixtape de 9 titres juste pour me tester. Je rappais en mooré et en français. Ça m’a permis de voir de quoi j’étais vraiment capable.

Mais aujourd’hui vous rappez seulement en mooré, pourquoi ?

En fait, après ma première mixtape, mon grand-frère m’a fait comprendre que j’avais du talent mais a suggéré que je réoriente ma musique en langue, entièrement en mooré. C’est à partir de là que j’ai commencé à m’appliquer vraiment en langue, notamment en 2007. C’est en ce moment que Primo de la Censure est venu me chercher parce qu’il avait un studio. Il m’a découvert dans les Sound system (Ndlr : compétition de rap) et a vu ce que je pouvais faire. On est devenu potes et il m’a vraiment orienté. Avec lui, c’était du travail : on ne faisait que rapper à longueur de journées. Souvent il venait me chercher à 10h et je rentrais à 2h du matin : On rappait jusqu’à être fatigués.

Par ailleurs, quand j’ai commencé à rapper, ma grand-mère, paix à son âme, me disait toujours que je faisais trop de bruit. En fait, la raison est toute simple : elle ne comprenait pas ce que je racontais. Mais quand je rappais en mooré et qu’elle captait, elle se rendait compte que je ne faisais pas que du bruit. Là, elle commençait à dire que je fais de la musique. Ça m’a beaucoup fait plaisir et ça m’a motivé à rapper en mooré parce que j’ai grandi avec elle et je ne voulais pas qu’elle pense que je ne fais rien de ma vie.

Avec Primo, comment ça se passait au juste ?

En fait quand on arrive au studio, on se met une grande pression. Ainsi, pendant qu’il compose un instrumental, moi j’écoute et j’écris un texte qui va avec l’instru. Et d’ici qu’il finisse son instru, moi aussi je dois avoir fini mon texte. Je devais répéter le texte pour qu’on l’enregistre le même jour. Ça m’a beaucoup formé. Si Primo n’avait pas été là, je ne serais pas à ce niveau aujourd’hui. Après, il est parti en Allemagne mais Golgo 13 de OBC a pris le relais. On a continué à travailler ainsi jusqu’à ce qu’on décide de travailler un album en bonne et due forme.

Et vous l’avez fait quand l’album ?

Je l’ai enregistré de 2012 à 2014. Vu les moyens limités, on a dû aller vraiment lentement.

C’est cet album qui est sorti en 2015 là ?

Oui, Mai 2015. Mais en fait, il devait sortir en 2014. Si vous écoutez les titres, vous verrez que certains messages étaient écrits par rapport au contexte. C’était un album insurrectionnel si on peut le dire. Comme son tire ‘’Nêkré’’ (Ndlr : réveil en mooré) l’indique, il s’agit d’un appel à l’éveil de conscience. Mais Adiska (Ndlr : son arrangeur) a été cambriolé et a perdu ses disques durs et ses appareils. Tout notre travail était parti en fumée. Donc on a dû reprendre à zéro. Et finalement, il y a eu l’insurrection populaire. Mais j’ai gardé les mêmes titres et l’album est sorti en retard, en mai 2015.

A quoi est dû votre succès d’après vous ?

Je ne pense pas avoir atteint mes objectifs pour le moment.

Mais vous êtes quand-même très connu

Bon, c’est vrai que quand je sors dans le quartier tous les petits chantent ‘’Zida ne va plus au zoo’’. Mais si on peut appeler ça du succès, alors je pense que c’est le travail et la persévérance. Tout travail mérite son salaire et une reconnaissance. Pendant que ça ne marchait plus et que les autres abandonnaient, moi je suis resté.

Vous avez dû investir beaucoup alors

Franchement, en 2010, j’ai dû arrêter les études (Ndlr : SVT) pour me consacrer au Rap. Pendant que j’étais à l’université, je n’arrivais plus à trouver un équilibre. Du moment où j’ai opté pour le rap, j’ai tout investi dedans : en temps comme en argent. Et sincèrement, j’ai tellement investi que je ne saurais dire combien de francs j’y ai laissés. Jusqu’à aujourd’hui, je continue d’investir.

Mais pensez-vous avoir eu retour sur investissements en termes d’argent ?

Non, je suis très loin d’avoir récupéré ce que j’ai investi, mais je n’ai sincèrement aucun regret. Et si c’était à refaire, je le referais. Parce que rien que faire du rap me fait vivre.

Mais il faut que vous en mangiez aussi

Oui il faut que je mange, mais je sais que ça va venir.

Et en attendant vous faites comment ?

Je me contente de mes petits cachets de gauche à droite. Tant que ça paye mon loyer et mes factures, tant mieux.

Donc en dehors du rap, vous ne faites rien d’autre ?

Je ne fais que du Rap.

On ne saurait parler de Askoy sans parler de Zida.

Ah bon ? (Ndlr : Eclats de rires).

Qu’est-ce qui a inspiré le morceau ‘’Zida ne va plus au zoo’’ ?

Comme la plupart de mes chansons, je ne saurais vous expliquer. Comme je l’ai dit, quand j’arrive au studio et qu’il y a un instru, il faut que je trouve rapidement un texte, sinon je risque de laisser tomber ce morceau. Je ne peux pas attendre d’arriver à la maison et prendre mon temps. Alors un jour, j’ai contacté Adiska parce que je voulais un son avec Smarty juste pour m’amuser. Arrivé, je lui ai dit que je voulais de la Trap (Ndlr : style de rap en vogue). En moins de 45mn, il a réalisé l’instru de ‘’Zida ne va plus au zoo’’. Et pendant qu’il réalisait l’instru, cette phrase du primaire (Ndlr : Zida va au zoo) m’est venue à l’esprit. Et plus tôt dans la semaine, j’avais vu quelqu’un publier sur Facebook ‘’Zida ne va plus au zoo’’. Alors j’ai essayé le refrain dans ce sens pour m’amuser. Je l’ai vite fait et je l’ai enregistré sur place pour voir à quoi ça ressemblait. Et Adiska qui ne comprend même pas mooré me dit : ‘’ça déchire’’. Donc j’ai gardé ce refrain. Rapidement j’ai envoyé l’instru et le refrain au grand-frère Smarty sur WhatsApp. Je n’ai pas reçu de réponse, mais quelques jours après on s’est croisé, et il m’informe que son couplet est prêt. Vu que le mien était déjà fini aussi, on a programmé le studio et on l’a fait.

Attendiez-vous un tel succès ?

Non, je ne m’y attendais pas du tout. Moi j’ai juste fait un truc qui me plaît, comme d’habitude. Quand Adiska m’a donné le son pour amendement, je l’ai fait écouter à mon frère. Et il m’a dit que le son allait être une bombe. Donc en plus d’un clip, il m’a préconisé de travailler sur la communication. C’est ainsi qu’après avoir officialisé le morceau, Oméga l’a balancé sur sa Page Facebook. Je suis tombé dessus et j’ai vu des clashs de tout genre venant des internautes. Certains nous traitaient d’artistes mal inspirés et disaient d’arrêter la musique si on n’a plus rien à dire ; et d’autres nous traitaient de délinquants. D’autres encore prenaient notre défense. Mais ça m’a beaucoup plu. Parce que j’ai estimé que c’était un bon signe. Après, je me suis rendu compte que ceux qui insultaient s’étaient basés sur le refrain, sans le fond des couplets. Et après j’ai vu que certains d’entre eux ont commencé à pousser le son. Et d’un coup, le son a pété. En tout cas, je n’ai jamais eu ce buzz.

Alors il n’y avait rien de politique à la base ?

Non, absolument rien de politique à la base. C’est juste que nous sommes à une époque où la Trap est la tendance. Et je me suis rendu compte que nos petits-frères font la Trap mais racontent de la merde. J’avais donc le devoir avec Smarty, de donner un message sur une production Trap. Le rap, c’est un message avant toute chose. C’est cette leçon qu’on voulait donner mais en parlant de choses vraies.

Sur ce morceau vous êtes en collaboration avec Smarty. Comment la collaboration est née, comment ça s’est passé ?

Le plus naturellement possible. En fait je connais Smarty depuis plusieurs années. On se côtoie depuis, on cause, mais on n’a jamais pensé à un featuring. Avant la sortie de mon album même je lui ai fait écouter les morceaux pour avoir des conseils de sa part. Mais là, j’ai senti que c’était le moment de faire un feat, on l’a fait.

Un dernier mot à nos lecteurs et à vos fans ?

Je continue à dire merci à ceux qui m’écoutent. Parce que sans eux, j’aurais fait des chansons juste pour moi-même. Mais j’ai la chance d’en faire pour moi et pour des gens qui apprécient. Alors je leur suis très reconnaissant pour leur soutien. Mes fans, ce sont eux qui font de moi ce que je suis.

Entretien réalisé et retranscrit par

Arthur Zongo

infowakat.net

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