Longuement vêtue, coiffée d’un de ces populaires chapeaux de saponé, Kalam cette musicienne joue de son kundé avec dextérité. Un coup d’œil rapide pour mettre un visage sur ces notes mélodieuses, mais c’est peine perdue car le visage de cette dame est voilé ! Pourquoi voilé? est ce par pur « wak » ou est ce juste un signe distinctif ? Infowakat.net a rencontré l’artiste pour vous,histoire de pénétrer dans le secret à travers une interview.
Que signifie votre nom d’artiste Kalam ?
- Kalam c’est une composition faite à partir de mes initiales, mais après des recherches, on s’est rendu compte que ça signifiait la parole de Dieu en Indou.
Dans quel milieu Kalam a grandi ?
- Je suis née à Abidjan, mais j’ai grandi avec ma grand-mère à Ouaga, à Cissin. Je vendais des fruits avec elle au marché. Et à l’âge de 8 ans au lieu de continuer à vendre des fruits, je partais en cachette participer à des concours de danse de quartier. Mon grand-père n’était pas d’accord avec cela. Surtout une fille Burkinabè qui veut danser. Mais moi j’aimais ça. J’y allais, on me tabassait mais j’y retournais toujours.
Depuis combien de temps êtes-vous dans la musique ?
- Cela fait 10 ans mais de façon non officielle, parce que j’ai commencé avec la danse comme je vous l’ai dit. Il m’a fallu apprendre la musique, les techniques vocales. J’ai pris des cours avec la défunte Djata Ilébou, Bil Aka Kora, pour ne citer que cela. Donc je me suis formée pendant longtemps avant de me lancer là dedans.

Pourquoi avoir choisi le Kundé ?
- Tout simplement parce que c’est un instrument que j’aime. Je ne pourrais pas l’expliquer plus clairement mais j’ai été attirée par le Kundé. C’est presque comme si j’arrivais à décoder le langage de l’instrument.
Comment et où avez appris à en jouer ?
- Et bien déjà ça n’a pas été facile, mais mon époux a été mon premier supporter. C’est lui-même qui m’a acheté l’instrument.
J’ai râlé pour trouver un professeur en la matière. Tous ceux qui étaient volontaires disparaissaient quand ils découvraient que je suis une femme. Parce que dans la tradition, les femmes ne jouent pas de Kundé.
Mon époux a donc contacté mon manager pour lui expliquer la situation. Et ce n’est qu’un an après que nous avons rencontré Aboubacar Djiga de Kundé-Blues. Ce dernier était heureux parce qu’il disait que ça faisait longtemps que lui-même cherchait à enseigner l’art du kundé. Et le fait que je sois une femme ne l’a pas dérangé du tout.
Expliquez-nous le concept de la « calebat »
- Tout est partie du fait qu’on cherchait une personne pour jouer de la calebasse avec moi. Mais on n’en a pas eu. Et Kosta mon manager a eu l’idée de transformer la calebasse en batterie. Il est donc allé voir quelqu’un qui a modifié une calebasse pour que je puisse le jouer avec le pied comme pour la batterie. Au départ c’était terrible. Jouer le kundé, chanter et taper avec le pied dans la calebasse ce n’était pas évident.
Mais avec de l’entrainement ça a pris et on a baptisé l’instrument au nom de « calebat » : cale pour calebasse et bat pour batterie.
Comment s’appelle Kalam à l’état civil ?
- C’est toujours secret pour le moment. Actuellement je suis une « PogPaala » de la musique. Je viens de me marier à la musique et ce n’est qu’après les noces que je dévoilerais mon identité.
Est-ce qu’un jour le voile de Kalam va tomber ?
- Oui ! Le voile va tomber lorsqu’on fera ce qu’on appelle le « Rooga-Yiibou », c’est-à-dire quand on sortira la mariée au grand public. On fera à l’occasion un concert pour dévoiler mon visage. Mais aucune date précise pour le moment. (Rire) Je suis mariée officiellement à la musique depuis la date de sortie de mon album le 11 octobre 2018. Et mes noces avec monsieur musique ne sont pas encore fini.
Quels sont les projets de Kalam ?
- Déjà je suis fière d’être Burkinabè. Donc mes projets iront dans ce sens. C’est-à-dire faire valoir la musique de chez moi. Nous avons une batterie d’évènements planifiés en tout cas. Mais nous allons nous concentrer d’abord au niveau national avant d’aller à l’international.
Combien de titre ou d’album à votre actif ?
- Pour le moment j’ai un album sorti en octobre 2018 (la date de mon mariage avec la musique). Il est dénommé « Woubri » et comporte huit titres. Il est composé d’instrumentaux en mode solo jam, et d’un extrait d’un de mes concerts. Le titre phare de mon album c’est » Bibeiga » mais celui que j’aime le plus c’est « Kandoum ». J’aborde la question du mariage et de sa valeur. Aujourd’hui le mariage a peu de valeur. Les gens se marient mais ne durent pas ensemble contrairement à nos grands-parents.
Quel regard portez-vous sur la musique tradi-moderne au Faso ?
- Je pense que ce genre a de l’avenir. Même si en termes de production ça ne pèse pas lourd, il faut y travailler. Mais pour que ça décolle il faut que nous même nous consommions notre musique. Personne ne va venir écouter notre musique et en faire la promotion à notre place.
Qu’est-ce que Kalam aime par dessus tout ?
- Chanter, danser, et par-dessus tout ma famille. J’ai fait quatre enfants, Dieu en repris deux. Mais je ne me suis pas, laissé abattre. La vie continue.
Quel a été le moment le plus difficile dans votre carrière ?
- C’est ma première prestation lors d’un concert au Baba Village. J’étais tellement stressée que j’ai trouvé ma prestation au rabais. Mes mains transpiraient et je n’ai pas bien joué ce jour-là.
Mais mon plus grand plaisir c’est lorsqu’après mes prestations la foule applaudit.
Si kalam devrait renaître qu’est-ce qu’elle choisirait d’être ?
- Je choisirai de revenir musicienne. Mais en garçon. (rire)
Merci à vous Kalam.
Ange L. Jordan MEDA
Infowakat.net